Le prix Max Jacob sera remis demain, jeudi 21 février, à James Sacré.
Le jardin (ou verger) nourrit l’air du printemps.
J’y travaille un poème où disparaît le temps
(Je le veux), je regarde un village patient.
Mais les pivoines sang, les pommes que j’attends ?
Cœur, l’espace est léger : jardin qui se détend ;
Il faut pour un automne oublier le printemps.
Mais pourtant je l’espère ! ah, pourtant je l’entends
Dans le cœur de l’hiver comme un oiseau content ;
J’y bondis ! mais trop tard ! je le vois dans le temps.
Pommes ridées, les fleurs se défont dans le vent.
Rien, ni printemps, ni poème !
Et pourtant, ah, comme on l’entend !
*
Ce n’est qu’un jeu (peut-être), un poème, un peu
De rime et des mots, un alexandrin, un peu
De couleur, un été rêvé, un rouge, un feu
À peine qui brille, un feu
Où ? Le cœur est rouge, il voit des oiseaux peureux.
Ah ! beaux oiseaux (perdrix, cailles tendres)) ! je veux
Courir dans les guérets (mottes, chiendents terreux) !
Beaux oiseaux, c’est vrai, tel poème est un jeu :
J’y reste pauvre (encre, papier), un peu honteux.
Mais peut-être, ah ! peut-être encore un rouge, un feu
Pourra paraître ! j’apprends quel oiseau douloureux,
Poème à brûler (cœur peut-être) dans le jeu.
*
Maladroit (mais plaisir, mais le cœur sur les toits)
Je marche, le poème en perd des tuiles, moi
Je respire où le ciel est un jardin : je vois
Des arbres, la lumière où les anges guerroient,
Et l’aubépine en fleur, fêtes printemps pavois :
J’y grimpe, enfant, mais tombe en la vie maladroit.
Le temps paraît, mauvais ; il apporte l’effroi
Et des carnassiers gris, frileux, et les yeux froids.
Où les vergers chanteurs ! où les anges, les toits !
Le cœur s’effare, où les rouges, la fête ! où moi ?
Patience, il faut patience et mémoire, et je vois
peu de tuiles (mais rouge et promesse d’un toit).
*
Le jardin brille, ouvert, l’espace est dans sa fleur
Et porte avec sa fleur le temps le plus léger
À travers la lumière ; quelque chose a souri…
Mais rien, que le vent, rien, le bleu du paysage :
C’est pour la pauvreté (mais tignasse) d’un lierre.
Que les arbres soient beaux et grands pour le retour !
Ah ! cœur naïf, dans tes rosiers, dans ta garance !
Et ton paradis rouge où dorment les
miroirs,
Je bondis ! mais trop tard : je le vois dans le temps.
Mais peut-être, ah ! peut-être encore un rouge, un feu,
Peu de tuile (mais rouge et promesse d’un toit)
Va briller (poème ou lampe) ; l’ombre est complice.
James Sacré, « Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps », in Affaires d’écriture (Ancrits divers),
Tarabuste, 2012, pp. 33
In Revue Poeziebao
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire