TOUT UN TEMPS VOLE
Creusant la rue d'en-face,
deux stratus empoussiérés s'appuient sur une lumière rousse
qui incendie l'horizon .
Les murs prennent soudain des étoiles qui les couvrent de miel.
En perpendiculaire :
sur le boulevard, crie le platane dans son feuillage d'émeraude qui
fait suinter l'obscur
jusque dans le jeu des feux alternés … Les enseignes y coulent en
diamants de toutes
couleurs ; des perles océanes ponctuent la disparition
imminente du
jour . Ici la nuit est
esquivée sous l'auvent rouge . Nous l'intériorisons avec ces
paroles
qui dansent dans un
silence presque advenu . Nous creusons dans ce ballet où ne court
plus l'instant à la rattrape des phares fauves. L'amitié fait un pas dans le hasard pour
de
possibles rencontres ;
lentement s'y offre le loisir de garder la pulpe vive des mots où
s'épelle le bruit des
désirs libres qui ne se pressent pas … Et le temps ne s'exténue
plus
même si une robe noire
recouvre têtes et cous des murs enfilés. Ah ! La flèche de
lu-
mière bleue qui les
traverse au coup par coup . Ici une jeunesse vibre de ses paroles
sans fin, qui respirent et
modulent comme si un parfum d'éternité les touchait . Mais,
têtes à l'instant , elle
tue la durée comme si elle était efflanquée d'habits neufs d'un
temps incomptable …
Indomptable avancée sur ce chemin où elle s'aventure : ses
baisers , ses rires , ses confidences donnent le la au pas hors-borne de l'amitié tou-
jours neuve qui ouvre
grandes les portes vives de l'instant sans plus d'attente . Mais
combien incisive est leur
morsure de l'éternité sans couleur … Elle avale le bruit vo-
race des futurs fantomatiques où les chaînes du passé cliquettent encore tant
dans
les fers de l'humain …
La vie prend une teinte d'or où des trésors se découvrent
comme un bonheur sans
condition … Ils voudraient l'incendier ce bonheur , ceux
qui plombent le hasard des
rencontres , le soumettant à l'argent-roi . Mais , à la me-
sure de cette vie qu'elle
croque à pleines dents , la jeunesse saura peut-être livrer
comme son arc-en-ciel à
la misère ployée par le gris-être toujours lourd en ses jours .
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