DU SILENCE A L’AURORE
Pris par le silence de la ville
Je brique ma parole en braille
Plus enfant que tous les enfants
Tête brûlée par le gel
Entendant sonner l’éveil
Par la corne des rues
Mes mots s’aventurent
En se durcissant
Comme un chiendent
Dans mon dos glacé
Le diable de la nuit résiste
Et casse mon poème instantané
Ulysse bohème
Qui va courant vers l’aube
-Mon acmé dans les phares –
Je nage à la rattrape d’un souffle
Silence à tête de vacarme
Je suis aveugle
Au chien de fantaisie
Et je le siffle
Toutes les marées dorment encore
Je les suivrai dans la blanche ferveur
Comme cela se doit dans un temps exalté
L’harassante solitude
Reste prisme de lumière
Et – les yeux penchés
Trancheront le silex acéré
De ma pierre de feu
Qui lance les éclats de ma voix
Le diable restera mon vertige
Je lui offrirai les cent raisons
De ma misère
Etrangère au culte du livre
En griffant l’édifice
Où ronge l’écriture
J’essaie d’entendre
Les cent et cent solitudes
J’essaie de voir
Ne pouvant les toucher
Les avenues de tous les rêves
La cohorte de mes mots
S’est avancée
Le ciel platine crie déjà l’aube
Verre pilé cassé
Crissement des karchers
Feuilles mortes avalées
Sirènes de police
Tout est prêt
Pour la grande roue de la ville
Pan tenace –
Le poète n’est pas de ceux
Qui se plient aux traces et aux places
Dans la marche du temps :
Il conspire
Il se rit des villes buissonnières
Et ne se noie dans les villégiatures
Chien courant des soldats lunaires opiacés
Il hume le moment de leur extinction
Il n’attend rien des fugaces parcours
Qui le mèneraient au zénith
Tête aujourd’hui – ici et maintenant –
Ferrée par tant de vacarme
Il rentre dans l’adieu aux dieux
Qui avaient fait sa renommée
Il chante la ritournelle
Où valse le travail
Sans pouvoir congédier
La misère qui le tient sur sa corde
Il se fait l’indien de
Toutes les promesses déçues
Et le plasma des grandes artères
Qui rugissent
Est aussi son chant dans un corps
Arraché aux gueuloirs de la ville
Plus de silence en son jardin
Plutôt que l’hébétude
Le vent triomphant
Qui l’emporte dans
Les arbres au savoir roussissant
Et un énorme rire contre
Les auréoles de la pureté
Plutôt l’acier fondu sur ses lèvres
Plutôt que l’hébétude :
Le vent triomphant
Qui l’emporte dans
Les arbres roussissant du savoir
Et un énorme rire
Contre les auréoles de la pureté