TERRE – UN MATIN
La terre est à mille lieues de l’ennui
Elle est féconde et discrète
Voulons-nous l’empoigner ?
Elle file dans l’aube
Nous traçons un chemin avec elle
Ses portes sont dans la ville
Elles y accueillent ses horizons
Tant-pis si ici
On n’a pas vu les étoiles
Percer le rideau de sa nuit
Maintenant elle ouvre l’aurore
Dans un gris insolent
Le poids qu’elle charrie avec lui :
Des murs et des murs de solitude
Hébétée par l’éveil
Mais les arbres domestiqués
Egrenant quand-même sa compagnie
Sous son ciel pâle
Tempèrent notre exil : l’oubli de sa vie
Ils ne masquent rien d’elle
Ils marquent son cycle
Ils drainent ses saisons
On y voit l’automne l’étrenner
Du feu de ses couleurs
Contre l’asphalte blême de la place
Ils marchent – marchent
Avec des pas précipités –
Les préposés au travail
Ils brisent leurs rêves –
Ces revenus de l’évolution
Ils dégrisent leurs passions
Sous le poids de leur temps accéléré
Les chaînes d’enfer
Des fauves automobiles
Tracent des rumeurs
Insolubles dans l’air
Elles effacent toujours plus
Le vif de la terre
Qui semble de plus en plus lointain
Tout tourne cependant
Et le rectiligne uniforme
Ne tient que dans l’horloge
Nous-mêmes sommes devenus des satellites
Du temps fabriqué par la vitesse
Nous ne voyons plus que cette circulation
Bondissante d’abstraction virtuelle
Pourtant – de quoi jouissons-nous
Dans cette fable qui grossit ?
De ce rien d’altérité rivé au monde tel qu’on le rêve ?
Non ! Que ne s’échappe pas de nos sens
Le plaisir d’Alma Mater
Celui de Gaïa la nourricière !
Ah ! Briser de notre énergie
Le poids insensé qui alourdit notre terre :
Celui de Prométhée enchaîné
Par son propre feu dévorant
L’énergie qu’il faut
Pour rouvrir les chemins de l’aurore
Avec la poésie comme arme et comme témoin
De la terre devenue solitaire !
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