Les banlieues ont encore une fois implosé, mais cette fois-ci c’est pour de bon [1]
. L’implosion a été généralisée et s’est étendue à tout l’Hexagone.
Elle a été d’une violence sans pareil par rapport aux autres types
d’émeutes qui ont émaillé, au cours des deux dernières décennies,
l’histoire des quartiers populaires et ouvriers périphériques des
grandes villes. La violence de la révolte des jeunes de ces quartiers
est plus que légitime, cela va de soi. Elle est l’expression logique de
la situation sociale de relégation systématique de ces populations
ouvrières et au chômage, sans autre avenir et horizon que celui du
contrôle d’identité au faciès et de la discrimination à l’embauche,
lorsque entretien il y a. Cette révolte est aussi à l’image de cette
situation : radicale et désespérée, ce qui n’en fait pas moins un
mouvement aux implications très politiques.
Les causes des violences de ces dernières semaines, au-delà de la
mort violente de Zyed Benna et Bouna Traoré fuyant un contrôle policier
qui promettait d’être musclé, et du gazage de la mosquée de
Clichy-sous-Bois, sont connues et partagées par la plupart des
sociologues, spécialistes des politiques de la ville et autres
politologues organiques de la bourgeoisie, des partis politiques de
gauche comme de droite et des directions syndicales : chômage [2],
précarité des emplois, bas salaires, dégradation constante des
conditions de vie, exiguïté et insalubrité des logements… L’extrême
droite, la droite et même parfois la gauche rajoutent à cette liste de
causes structurelles le problème de l’immigration et de l’intégration,
comme le font les parlementaires et ministres se succédant à la tribune
du Palais Bourbon depuis plusieurs semaines pour appeler au
rétablissement de l’ordre républicain. Certains sur un registre
ouvertement pétainiste, d’autres sur un ton plus politiquement correct,
mais pas moins raciste et réactionnaire.
Immigration et intégration ?
Parlons
plutôt du racisme systématique dont sont l’objet ces populations, dans
leur grande majorité originaires depuis une ou plusieurs générations des
anciennes ou actuelles colonies de l’impérialisme français. La
République y mène depuis toujours une politique génocidaire en règle,
tant du point de vue humain, économique que culturel. Parlons de ce
racisme que secrète tous les pores de l’Etat et ses rouages, à commencer
par ses forces de répression mais également toutes les autres
institutions dépendant de l’Etat. Il s’exprime à différents niveaux au
sein de ces institutions, le lien avec le passé colonial et le présent
raciste et chauvin étant plus ou moins occulte ou manifeste.
Intégration disent ces messieurs ? Mais à quoi
doivent s’intégrer ces jeunes lycéens, étudiants, chômeurs ou précaires
dans la mesure où ils sont pour la plupart Français, même s’ils sont
traités comme des Français de cinquième zone ? Pour les autres, ceux qui
galèrent de carte de séjour en queue interminables à l’aube devant les
préfectures pour être insultés aux guichets, ceux qui sont en France de
manière soi-disant irrégulière, ce ne sont que les enfants ou plutôt les
orphelins de la mise en coupe réglée par l’impérialisme français et ses
multinationales de son pré-carré semi-colonial et dont la seule
perspective pour les moins chanceux reste les clôtures barbelées de
Ceuta et Melilla ou pour ceux et celles qui les ont franchies les
chambres d’hôtel meublé, les logements délabrés des marchands de
sommeil, les contrats au noir et la peur constante des rafles
policières.
La lutte héroïque des marins de la SNCM puis des
traminots de la RTM tout comme l’implosion des banlieues mettent en
crise le bien mal nommé « modèle social français ». Cependant, les
organisations ouvrières et de salariés, à commencer par les grandes
centrales syndicales, le PC ainsi que l’extrême gauche, loin de tirer
profit de cette situation pour la transformer en point de départ de la
nécessaire riposte ouvrière et populaire dont nous avons tant besoin ont
laissé un boulevard au virage bonapartiste du gouvernement après plus
de trois semaines d’émeutes des banlieues et d’inaction de leur part. En
laissant seuls les marins de la SNCM, isolés les traminots marseillais,
et en restant à l’extérieur du tête à tête entre les matraques, les
grenades lacrymogènes et les lois d’exceptions et les populations et les
jeunes de banlieue, ces organisations, notamment les plus importantes,
compromettent ainsi très sérieusement les chances d’une contre-offensive
sociale contre toutes les attaques que le gouvernement Villepin a
démultiplié depuis le 29 mai.
En considérant, sous couvert d’un discours plus ou
moins ouvertement raciste et néocolonial, ou à l’inverse paternaliste et
ouvrièriste, les événements de novembre 2005 comme un trop plein de
violence stérile, les analystes de gauche comme de droite ne
poursuivaient qu’un seul but, nier leur caractère éminemment politique –
au-delà du niveau de conscience réel des jeunes émeutiers et des
méthodes par eux employées. Ce faisant, la gauche mais aussi une partie
de l’extrême gauche se dédouanaient à bon compte de toute politique
active de solidarité avec les banlieues dès le début. Ils refusaient
également de voir en creux dans la réponse politique du gouvernement la
riposte qui aurait dû être celle du mouvement ouvrier dans son ensemble.
L’occupation militaire des quartiers par les flics et les gendarmes –
c’est-à-dire l’armée – puis le décret de l’état d’urgence n’étaient que
la réponse militaire « de basse intensité » inscrite dans la logique
politique du gouvernement Villepin : criminalisation du mouvement social
face aux réactions légitimes générées par la politique anti-ouvrière et
anti-populaire de Chirac/Villepin/Sarkozy et tous leurs prédécesseurs.
Nous répondrons cependant d’entrée de jeu à une
objection que l’extrême gauche ne manquera pas de faire. Insister comme
nous le ferons dans l’analyse des causes et des racines du mouvement de
novembre sur les discriminations structurelles qui visent les
travailleurs et les jeunes d’origine – parfois lointaine – étrangère,
insister sur le racisme ordinaire et institutionnel qui frappe ces mêmes
populations, ce n’est pas ethniciser la révolte, en gommer le caractère
de classe, ni faire la part belle à toutes les réponses réformistes,
populistes, tiers-mondistes ou religieuses qui ne manqueront pas
d’émerger. Bien au contraire. Insister sur les seules racines sociales
de la révolte, c’est comprendre son extension à des quartiers de
l’Hexagone où les populations laborieuses « françaises de souche » sont
majoritaires [3].
En revanche, n’insister que de manière mécanique sur ces seules causes
sans s’en référer aux premières, c’est faire abstraction à bon compte
sous couvert « d’orthodoxie marxiste » du racisme structurel que tous
les rouages du capitalisme français et les institutions qui lui sont
plus ou moins intégrées font peser sur les millions de jeunes,
travailleurs, chômeurs, femmes et hommes issus ou originaires du
pré-carré semi-colonial de l’impérialisme français et qui constituent
dans l’Hexagone une sorte de semi-colonie interne. Faire abstraction de
ce racisme structurel, héritage du passé colonial et du pillage
impérialiste actuel, revient à refuser de proposer un programme
réellement révolutionnaire et transitoire qui réponde aux intérêts de
toute la classe. Un programme qui ne soit pas que l’expression d’un
marxisme mécanique collant de prés, version gauchie, aux orientations de
la bureaucratie syndicale et du PCF.
Non, le problème n’est pas seulement le logement,
l’emploi et le manque de moyens pour les services publics dans les
quartiers. Le problème c’est les contrôles au faciès, les fouilles au
corps humiliantes et systématiques, le racisme de tous les jours,
partout et tout le temps, même lorsqu’il n’est pas manifeste. Le
problème c’est ce legs pourri plongeant au plus profond du capitalisme
français, de son passé colonial et de son présent impérialiste, toute
cette mémoire sombre que le capitalisme français a mis un point
d’honneur à faire oublier. Pourtant, ce passé continue de perdurer
aujourd’hui sous une autre forme non seulement dans ses dominions mais
également ici en France où les fil-le-s de Sétif et d’ailleurs
constituent une sorte de semi-colonie interne de citoyen-ne-s de seconde
catégorie. L’oppression dont elles et ils souffrent n’est pas
simplement double, en tant que prolétaires, avec ou sans travail, et
d’étrangers, mais triple, en tant que prolétaires, étrangers ou
d’origine étrangère mais de surcroît issus de cet Empire où le
capitalisme français a plongé ces racines, tiré le sang qui en a fait et
continue à en faire une puissance impérialiste. Ces populations dont la
jeunesse vient de se lever ne sont pas simplement ceux que les
recruteurs de Citroën ou de Peugeot ont transféré de gré ou de force des
villages les plus reculés de l’Atlas vers les bidonvilles puis les HLM
des banlieues française pour les faire suer et vieillir avant l’âge sur
les chaînes de productions ou les chantiers. Elles ne sont pas que le
flux nécessaire au capitalisme français pour s’assurer d’une main
d’œuvre à bon marché. Elles sont également l’expression du pillage
systématique dont sont l’objet leurs pays d’origine, pillage, vol et
viol savamment orchestré économiquement et militairement par
l’impérialisme français en défense de ses intérêts capitalistes.
Dénoncer et lutter contre cet état de fait c’est le
seul moyen de briser le stigmate « ethniste » qui frappe le mouvement et
y répondre en dressant réellement la perspective du « tous ensemble »,
en comblant le gouffre existant entre les luttes ouvrières qui ont
secoué la France et le mouvement des jeunes des banlieues, double
expression de la crise du capitalisme français.
Bref retour en arrière. Le 29 mai et un été brûlant… pour le Code du Travail, les salariés et les jeunes
Les
journées d’action de février et mars 2005 avaient montré une claire
disposition à la combativité chez les salariés du public comme ceux du
privé dont des fractions importantes avaient alors manifesté [4].
Ces manifestations, qui s’avéraient plus importantes pour la même
époque de l’année que celles de 2003 et 2004, avec cette fois-ci une
jonction relative entre public et privé, ont été tout simplement
canalisées vers les urnes référendaires tant par la bureaucratie
syndicale que par le PC avec à leur traîne la totalité de l’extrême
gauche. Certes, comme le note LO en se dédouanant de son appel à voter
« Non » [5],
la bureaucratie syndicale a plus d’un tour dans son sac pour contrôler
des mouvements de lutte et les mener dans des impasses. Cependant, celui
des urnes s’est avéré d’autant plus efficace que cela revenait à se
répartir la tâche entre la gauche classique et la bien mal nommée gauche
de la gauche. « Attendez 2007 pour sanctionner Chirac » disait
Hollande. « Attendez le 29 mai pour donner un coup décisif aux
politiques libérales de droite » disaient Fabius-Mélenchon-Bové-Buffet,
d’autant plus qu’il s’agissait pour ces derniers de faire valoir à
l’intérieur et à l’extérieur du PS leur poids électoral respectif en vue
de négocier leurs alliances pour 2007
Faire passer le résultat du 29 mai pour un vote « de
classe et populaire », c’est non seulement transformer la portée
politique réelle de ce vote mais aussi ses conséquences. Il a certes
confirmé la fracture existante des mécanismes de représentation
démocratiques bourgeois, accentué la tendance à la crise de régime et a
également affaibli l’axe franco-allemand dans son leadership européen.
Cependant, les urnes, loin d’être un substitut de la lutte de classe,
n’ont évidemment pas été le coup d’arrêt tant espéré aux politiques
anti-ouvrières et anti-populaires de Raffarin. Pire même, malgré un
exécutif affaibli, la bourgeoisie a tiré parti sur le plan
gouvernemental de la canalisation sociale qu’ont représenté les
élections, permettant l’arrivée d’un gouvernement bicéphale de choc mené
par Villepin et Sarkozy.
Le rapport de force social se dégradant et les attaques du gouvernement Villepin
Nul
besoin de détailler outre mesure les attaques décuplées lancées par le
gouvernement dès le début de l’été : Contrat Nouvel Embauche (CNE),
ordonnance sur les règles de décompte des effectifs dans les
entreprises, ordonnance « chèque-emploi » pour les très petites
entreprises, ordonnance instaurant un parcours d’accès aux carrières
dans les trois fonctions publiques, ordonnance sur l’insertion de jeunes
en difficulté et enfin le décret renforçant le contrôle des chômeurs.
Toutes ces mesures reflètent une seule préoccupation : augmenter la
productivité relative du travail, baisser les coûts salariaux directs et
indirects et détricoter encore un peu plus le Code du Travail.
Face à des attaques aussi brutales, la torpeur
estivale des syndicats n’en était que plus complice. Après le triste 21
juin, tout juste se sont-ils contentés, après avoir été reçus à Matignon
malgré l’annonce claire des projets de Villepin dès l’accession de
celui-ci à la tête du gouvernement, d’un appel à une journée
interprofessionnelle pour la rentrée. La manifestation du 4 octobre
devait s’avérer être la énième rentrée sociale symbolique et
traditionnelle pour mieux revenir à la table de négociation – ou plutôt
de validation des mauvais coups – et cela en dépit de la combativité des
cortèges à travers l’Hexagone renforcée par l’annonce de la vague de
plans sociaux touchant aussi bien les salariés en cols blancs que les
travailleurs du rang. Face à cette situation, la presse patronale
écrivait alors confiante : « discrètes depuis le changement de
gouvernement, les confédérations ont besoin d’une démonstration de force
unitaire de même ampleur que celle du [10] mars (…). Ces manifestations
sont-elles un point de départ ? Personne ne peut le dire. En revanche,
il est clair que les syndicats sont dans une situation moins favorable
qu’au printemps (…). Encore faudrait-il savoir (…) sur quels points les
syndicats pourraient marquer des points. Il est trop tard pour combattre
le CNE et depuis la rentrée Villepin joue la prudence (…). Dans ces
conditions, deux scénarios sont possibles. Le premier, c’est celui d’une
opinion soutenant des conflits sociaux localisés, les urnes n’offrant
pas à très court terme d’exutoire politique (…). Le second est celui
privilégié par la dernière note d’Entreprise et Personnel, association
patronale spécialisée en ressources humaines. Elle fait ‘le pari de la
continuité dans l’immobilisme social’ en escomptant ‘que les
comportements de résignation continueront de l’emporter’ et que ‘le
pouvoir pratiquera une politique de déminage et d’appaisement’. Un
scénario intitulé : ‘veillée d’arme pré-électorale’ [6] ».
C’est la détermination des travailleurs de la SNCM,
malgré leur défaite postérieure, celle des travailleurs de la RTM et
bien entendu, à partir de fin octobre, l’implosion généralisée des
banlieues qui ont fait sauter les verrous de ce scénario idyllique pour
le patronat et son gouvernement en en proposant un autre, qui a pris
gouvernement, opposition et syndicats de court.
Sarkozy, premier flic de France, épaule son
chef en faisant de la surenchère et s’attaque aux travailleurs immigrés
et aux populations issues de l’immigration.
La lutte stratégique de la SNCM, du PAM puis des traminots de la RTM
ont enrayé la bonne marche des plans concoctés par le gouvernement. La
crise et l’implosion des banlieues de même. Dans les deux cas, c’est le
« modèle social français » qui est rentré en crise et à montré son vrai
visage.
Pour comprendre l’intensité de l’implosion dans les
banlieues, il est tout d’abord nécessaire de revenir sur les agissements
des flics et des chiens de garde de l’ordre bourgeois depuis le retour
de Sarkozy à l’Intérieur. Durant tout l’été, les rafles contre les
travailleurs sans-papiers se sont multipliées, la politique
gouvernementale empruntant largement aux thèses défendues par une partie
des électeurs du « Non », ceux qui répondaient partiellement ou
totalement aux propos des Le Pen, des De Villiers ou des souverainistes
de gauche. Aux descentes dans les Foyers de travailleurs immigrés
s’ajoutaient à partir de la fin août des expulsions spectaculaires
visant les travailleurs et leurs familles et non les marchands de
sommeil dans nombre d’immeubles de la capitale après les incendies
meurtriers de l’été. Enfin, au cours de tout le mois de Ramadan, la
présence policière a été renforcée dans tous les quartiers populaires à
majorité musulmane. Contrôles répétés au faciès, patrouilles musclées au
moment de la rupture du jeûne, interpellations d’autant plus violentes
que justifiées par les propos injurieux et populistes du ministre de
l’Intérieur, voilà ce qui a été le lot des quartiers populaires et
ouvriers où se concentrent les quelque six millions de prolétaires
d’origine arabo-musulmane et leurs familles. Voilà ce qui a généré la
course effrayée de Zyed, Bouna et leurs copains pour échapper au énième
contrôle de police. Voilà ce qui a sous-tendu la violence de l’implosion
généralisée qui a parcouru toutes les banlieues de France où les jeunes
lycéens, chômeurs et précaires n’ont fait que répondre, avec leurs
moyens, à la situation structurelle dans laquelle ils sont plongés et
aggravée par la politique sécuritaire de Sarkozy.
Caractéristiques des émeutes qui ont secoué la France
Le
mouvement de novembre a avant tout été exemplaire par sa magnitude, son
extension et sa spontanéité, autant d’éléments à analyser pour
comprendre la profondeur même de la révolte et ses significations
politiques.
Une valse à quatre temps contre l’Etat et ses forces de répression
Les trois semaines d’émeutes peuvent se décliner schématiquement en quatre temps.
Dans un premier moment, l’explosion a eu lieu à
Clichy-sous-Bois, commune d’origine des deux adolescents électrocutés.
Après ce genre de bavures policières évoquées généralement dans les
entrefilets « faits-divers » des journaux et classés sans suite après
l’accalmie, les violences restent généralement localisées. Fait nouveau,
les affrontements mettant aux prises détachements importants de jeunes
et forces de l’ordre se sont installés dans la durée puis se sont
généralisés dans tout le département de la Seine-Saint-Denis.
Par la suite, l’implosion s’est étendue à tous les
quartiers et banlieues en France, prés de 300 au total. Retournement de
la situation, les violences locales contre les biens privés et publics,
faits de groupes de manifestants plus réduits et agissant séparément,
refusant l’affrontement direct, ont été de mise.
Dans un troisième temps, notamment à la suite de
l’émeute de Grigny au cours de laquelle les jeunes ont répondu aux tirs
tendus des forces de répression contre les manifestants et aux grenades
lacrymogènes visant les immeubles d’habitation, la situation a pris une
tournure plus violente. Aux incendies des poubelles, des voitures et des
bâtiments par de petits groupes mobiles de jeunes s’est ajouté
tendanciellement la logique de l’affrontement direct et reprenant
tendanciellement les mêmes moyens que les forces de répression, sans
pour autant les mettre catégoriquement en échec ni les expulser des
quartiers. Comme nous l’analyserons par la suite, le rapport de force, à
l’heure actuelle, ne peut être gagné sur le plan militaire si la
situation n’est pas favorable sur le plan politique et social.
Enfin, l’action combinée des forces de répression
réduisant sensiblement le niveau des violences et, dans le cadre de la
rivalité interne au sein du gouvernement et l’effacement de l’exécutif,
la décision prise par Villepin de décréter, pour la première fois sur le
territoire métropolitain depuis 1962, l’état d’urgence, a contribué à
rétablir tendanciellement le « calme », précaire mais effectif.
L’implosion s’est poursuivie, toujours aussi isolée du reste des forces
sociales et politique du monde du travail. Aujourd’hui, la situation
maîtrisée par la police et la gendarmerie déployées et la prorogation de
l’état d’urgence et la répression brutale et systématique n’ont pas
cependant réglé la situation, même du point de vue gouvernemental.
Confiner le mouvement et empêcher son extension territoriale et sociale, le mot d’ordre du gouvernement et ses alliés
Les caractéristiques principales de ce que l’on peut
d’ores et déjà qualifier d’émeutes sont la combinaison d’affrontements
directs contre les forces de police, destruction de biens et résistance
systématique bien que circonscrite aux quartiers, si l’on fait exception
des échauffourées du 12 novembre dans le centre de Lyon.
Les moyens employés par les jeunes émeutiers étaient
d’autant plus radicaux qu’ils sont parfaitement incapables de briser sur
le plan militaire la force de frappe d’un Etat impérialiste incarnée
par sa police et sa gendarmerie mais capables, en amenant sur leur
terrain les flics, de les piéger et les mettre en difficulté. Conscient
que la prolongation des émeutes pouvait déboucher sur une crise latente
sans précédent mais que les émeutes seules ne pouvaient mettre en échec
le gouvernement, tous les rouages de l’État patronal, des médias aux
institutions et leurs substituts associatifs dans leur grande majorité
se sont donc attelés à une seule et même tâche : empêcher l’extension
territoriale et sociale de la révolte [7].
L’extension territoriale de la révolte de la
périphérie aux centres des grandes villes auraient généré des pertes
considérables et inacceptables pour la bourgeoisie et le patronat
–commerce, artisanat et tourisme-, même elles pouvaient être résorbées à
moyen terme. C’est notamment pour parer cette éventualité que l’état
d’urgence a été décrété et prorogé, renforçant dans les faits le
confinement, l’isolement et la ghettoïsation des quartiers. C’est ce que
révélait brutalement l’interdiction fascisante du droit de
rassemblement pour le week-end du 11 novembre prise à Paris dans le
cadre de la loi de 1955 par le Préfet de police, atteinte sans
précédents au droit d’expression et de se déplacer.
En revanche, l’extension sociale de la révolte, à
commencer par l’inclusion dans le mouvement des travailleurs en lutte au
même moment, des secteurs salariés issus des quartiers en feu pour
s’étendre au reste de la classe ouvrière du pays souffrant des mêmes
attaques anti-sociales du gouvernement restait le grand danger. Sur ce
plan les directions syndicales bureaucratiques dans leur ensemble ont
tout fait pour éviter que la contagion aux quartiers de l’Hexagone de la
révolte des jeunes ne se propage au mouvement ouvrier et que leurs mots
d’ordre implicites, « dehors Sarkozy et ses flics », « non au racisme
et aux discriminations », « du travail et un logement décent pour
tous », soit repris dans les journées d’action prévues au même moment [8].
Pour ne citer qu’un exemple, alors que la journée d’action du 8
novembre de la CGT 93 -concernée en première personne par les
événements- a été teintée d’interventions sur les banlieues –sans que
rien de concret en termes de lutte n’en ressorte bien entendu, ni dans
les discours de la bureaucratie ni ceux de l’extrême gauche présente [9],
la journée d’action convoquée par la CGT Val de Marne deux jours après
restait sur la ligne de « défense des services publics », ce pour quoi
elle avait été convoquée. Inutile de dire que le maigre cortège était
suivi par des bus de CRS en plus grands nombre que les manifestants,
histoire de rappeler aux bureaucrates syndicaux que l’état d’urgence
était bien décrété même s’il feignait de ne pas s’en apercevoir.
Révolte de caïds et de barbus ou mouvement spontané et politique ?
Le mouvement frappe également par sa profondeur, sa
spontanéité et son caractère éminemment politique. Mouvement social non
ouvrier au sens traditionnel mais des enfants d’une classe ouvrière au
chômage, précarisée, flexibilisées ou du moins de ses secteurs les plus
exploités, la révolte des banlieues est impressionnante par sa
profondeur. En dépit de prés de 3000 interpellations, les violences
policières contre les jeunes émeutiers et les habitants des quartiers,
les procédures judiciaires expéditives et les peines extrêmement dures
infligées –prison ferme et expulsion du territoire parfois, restaurant
ainsi la double peine-, le brasier des banlieues a continué de rougeoyer
pendant plus de trois semaines, et rien ne dit qu’il s’est éteint.
En dépit de tous ce que médias, hommes politiques et
élus locaux de gauche comme de droite ont pu affirmer dans un premier
temps, le mouvement en tant que tel n’était ni instrumentalisé par la
délinquance organisée prospérant dans certains quartiers sur le terreau
du chômage et de la pauvreté ni par les réseaux de l’Islam politique.
Pour répondre à la première assertion, force est de constater –aux dires
des représentants des forces de police eux-mêmes- que les quartiers les
plus touchés par les phénomènes multiples de délinquance organisée se
sont maintenus en marge du mouvement et ont été jusqu’à présent les plus
calmes. C’est le cas de la Cité Pablo Picasso à Nanterre ou la Cité des
Grèves à Colombe pour ne citer que deux exemples représentatifs dans
les Hauts-de-Seine.
Pour répondre à la seconde assertion, en dépit des
efforts de Sarkozy, maniant la discrimination positive et la répression
-la création du Conseil Français du Culte Musulman et ses relais
régionaux afin d’en faire un interlocuteur privilégié du gouvernement et
lui donner un rôle de tuteur réactionnaire dans les quartiers les plus
concernés [10]-
il semble clair que les représentants du Conseil Français, toutes
tendances confondues, n’aient pas été écouté en dépit de leurs appels
réitérés au calme. Dans le cas des réseaux islamistes locaux, l’enjeu
principal était de faire bonne figure et agir en médiateurs entre le
gouvernement, mairies, forces de police et jeunes émeutiers. Eux aussi
ont échoué. En témoigne l’échec des rondes instaurées par des religieux
et des militants dans les quartiers touchés par les émeutes ou encore la
publication d’une fatwa par la soi-disant radicale UOIF (Union des
Organisations Islamiques de France, liée aux Frères Musulmans) conjurant
les jeunes musulmans ou considérés tels de « calmer leur colère, à
méditer et à se conformer à la fatwa ». Une autre conclusion peut être
tirée de ces orientations politiques philo-gouvernementales des
organisations politico-religieuses musulmanes : elles sont la
confirmation qu’aussi radicales dans le discours que soient ces
organisations qui aspirent à se faire les porte-parole du malaise des
jeunes de banlieue en s’appropriant l’exclusivité de la problématique
liée aux discriminations qu’ils subissent en fonction de leurs origines
nationales et culturelles, ces courants sont les plus chauds partisans
du calme et de l’ordre, agissant en auxiliaire d’un Etat colonial qui ne
leur reconnaît pas pour autant réellement le statut d’interlocuteurs,
médiateurs, ainsi que les prébendes que cela implique comme le
souhaiterait Sarkozy.
Le risque n’en est pas moins grand cependant que
l’Islam politique, en dépit de l’attitude ouvertement conciliatrice et
réactionnaire de toutes ses directions, prenne davantage pied en
banlieue et renforce son influence auprès des jeunes. Il faut que le
mouvement réussisse à cristalliser une institution autonome, à échelle
régionale ou nationale qui sache tirer les premières conclusions des
enjeux et limites du mouvement de novembre 2005 et ses perspectives pour
faire avancer ses revendications implicites dont les habitants des
quartiers se font l’écho sur le plan de l’antiracisme et la lutte contre
les discriminations, pour l’emploi, le logement, au sujet de l’école et
de la formation. Dans le cas contraire, face au vide politique
existant, ce seront les barbus cette fois encore qui capitaliseront le
mécontentement et le ressentiment accumulés. Seule une extrême gauche
luttant résolument contre l’islamophobie institutionnelle et l’idéologie
néocoloniale dont soufrent toutes les organisations ouvrières serait
capable d’aider les jeunes dans la lutte pour mettre sur pied de telles
organisations autonomes maintenant la flamme de la révolte et ses
revendications au-delà de l’essoufflement du mouvement. Dans le cas
inverse, si les jeunes subissent de plein fouet et seuls le poids de la
défaite, isolés du reste des travailleurs, les laissés pour compte des
syndicats et des organisations ouvrières, ne pourront que se tourner
vers ceux qui sont présents sur les quartiers, les organisations
politiques islamistes [11].
Tous ces éléments font que l’implosion des banlieues,
mouvement profond, mouvement spontané –ce qui en fait sa force mais
également ses faiblesses stratégiques- est un mouvement éminemment
politique, objectivement et subjectivement. Les méthodes auxquelles ont
recours les jeunes ainsi que leur stratégie sont évidemment discutables,
c’est ce que nous verrons. Mais personne ne peut reprocher aux jeunes
émeutiers de manifester leur révolte seuls, sans perspectives claires,
et surtout pas les grandes organisations ouvrières et l’extrême gauche
française à sa suite qui se refusent précisément à ouvrir de telles
perspectives. Les jeunes se battent pour des raisons qui semblent
confuses, que certains ont du mal à formuler, mais qui ne paraissent
telles que parce qu’elles sont très nombreuses, légitimes et ressenties
du plus profond de leur vécu quotidien. C’est en ce sens qu’il s’agit
d’un des mouvements de fond les plus sérieux qu’a eu à affronter la
bourgeoisie française au cours des dernières années.
Le « modèle social français » en flamme, enjeux et limites.
La
crise des banlieues met en lumière la crise du « modèle social
français ». Ce ne sont certes pas les mécanismes internes des rapports
de production entre salariat et capital français qui sont touchés, pas
même indirectement. Jusqu’à présent les jeunes émeutiers n’ont pas noué
d’alliance objective et encore moins consciente avec des secteurs du
prolétariat de leurs propres quartier et au-delà. C’est là une des
principales limites du mouvement de novembre. La révolte exprime
néanmoins, objectivement, dans le cadre d’une crise profonde des
mécanismes de représentation démocratiques bourgeois et une crise de
régime latente, la remise en question du bien mal nommé « modèle social
français ».
La crise au sommet de l’Exécutif et le virage bonapartiste du gouvernement
Comme le note très justement la presse patronale,
« les deux interventions de Jacques Chirac [sur la crise dans les
banlieues avant sa déclaration solennelle du 14 novembre] n’ont pas
produit d’effets. C’était comme si la parole du pouvoir était
dévitalisée par l’usure du pouvoir et par les récents revers politiques
(…). Nicolas Sarkozy (…) n’est pas aujourd’hui le mieux placé pour faire
entendre raison aux émeutiers. Reste donc Dominique de Villepin (…)
mais sa marge de manœuvre est faible. Sa situation ressemble beaucoup à
celle de Pompidou qui, pendant la crise de mai 1968, avait pris les
choses en main à Matignon alors que De Gaulle à l’Elysée semblait dans
un premier temps complètement dépassé par les événements [12] ».
Mais en faisant dans la surenchère sécuritaire et
répressive après une baisse relative du pic des violences le 7 novembre,
Villepin s’est érigé en héraut de l’ordre républicain, celui de la
guerre d’Algérie et de la répression en Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Il a
effectivement profité des dissensions et les rivalités internes du
gouvernement – au sein duquel le patronat n’a pas encore choisi son
champion de droite se contentant à l’heure actuelle de demander « comme
tous les Français, le rétablissement de l’ordre public [13] »
–, d’un Parti Socialiste – oui et « non » de gauche réunis – faisant
bloc au Parlement derrière lui ainsi que de l’absence de toute réponse
des directions ouvrières contre la répression policière [14].
Ces trois éléments centraux ont paradoxalement permis à Villepin de
décréter l’état d’urgence le 8 novembre en déterrant une vieille loi
coloniale de la IV° République adoptée au début de la guerre d’Algérie. A
guerre coloniale, loi coloniale.
Le climat social au début des événements de banlieue
était cependant loin d’être favorable au gouvernement et à ce genre de
virage bonapartiste. En dépit du nombre sensiblement décroissant de
conflits sociaux dans le public –après les grands mouvements de 2003 et
2004 et la canalisation référendaire de 2005- et une légère reprise du
nombre de conflits dénombrés dans le privé, ce qui a marqué
tendanciellement la situation sociale en France avant les luttes de la
SNCM et des traminots de Nancy, Bordeaux et surtout de Marseille, c’est
la multiplication de conflits localisés, souvent non comptabilisés car
sortant du cadre syndical, démarrant parfois dans des secteurs où les
syndicats n’ont jamais pris pied, impliquant les fractions les plus
précarisés, exposés et flexibilisés de la classe. Ce symptôme qui n’est
que l’expression ouvrière de la crise des mécanismes de représentation
démocratiques bourgeois qui touche également les médiations syndicales,
faisait apparaître une brèche dont le mouvement ouvrier organisé n’a pas
su tirer profit en raison de l’attitude des confédérations, du PCF et
de l’extrême gauche dès le début des événements et dont Villepin a
néanmoins su habilement tirer un avantage stratégique. C’est d’ailleurs
ce qu’analysait Christian Piquet dans les colonnes de Rouge fin
novembre, en soulignant « qu’une course de vitesse est bel et bien
engagée pour savoir qui offrira une issue à la crise sociale et
politique qui ne cesse de rebondir dans ce pays. (…) Mais la faillite
totale du PS devant l’état d’urgence, comme la réponse par trop limitée
[c’est un euphémisme] des forces qui ont refusé les dérives
liberticides, ont permis à la droite la plus sécuritaire de marquer un
point [15] ».
Hélas, comme nous le verrons par la suite, la LCR a été bien lente à
réagir, empêtrée qu’elle était dans ses négociations d’appareil en vue
d’une hypothétique candidature unitaire… pour 2007 !
Celui qui était jugé très négativement par l’opinion,
en dépit d’un consensus favorable au-delà de son propre camp après le
29 mai, avec 62% d’opinion défavorable fin septembre 2005 [16] et 70% début novembre [17]
a réussi le tour de force de rallier à sa cause, face au silence
assourdissant de l’opposition parlementaire alignée sur le gouvernement
et le rôle attentiste et complice des directions syndicales et du PCF,
73% de l’opinion publique favorable à l’instauration de l’état d’urgence
quelques jours plus tard. A l’image d’un Raffarin aux ordres de Chirac
qui s’était refait une santé dans les sondages en bombardant les
Ivoiriens le 9 novembre 2004 il y a à peine un an, là aussi dans le
silence le plus totale des organisations ouvrières, Villepin caracole
dans les enquête d’opinion en se lançant dans l’escalade répressive en
cassant du jeune.
Le PC, ami des flics avec sa théorie du complot, frappe encore à la porte de Grenelle
L’attitude du PCF a de nouveau confirmé l’orientation
pro-bourgeoise et réactionnaire de ce parti de gouvernement. Il s’est
tout d’abord illustré, à la tribune du Palais Bourbon, à Colonel Fabien
et par le biais de tous ses élus, par son appel à la restauration de
l’ordre républicain, dans le respect et la fraternité… comme si cela
était de mise sous les coups de matraques [18].
Exigeant le retrait de l’état d’urgence – ce qui ne mange pas de pain –
mais au rétablissement de l’ordre par des moyens plus « normaux », le
PCF a appelé à « opposer l’action démocratique et citoyenne à la
violence auto-destructrice [19] ».
Pour ce faire il appelait à des réunions dans les « préfectures », le
bastion de l’arbitraire gouvernementale où les mandataires non-élus du
gouvernement font appliquer la loi, entre « l’ensemble des personnes,
hommes, femmes, jeunes, élu-e-s, représentants des services publics, des
associations, qui aujourd’hui agissent face à cette situation pour
entendre les besoins et élaborer les réponses [20] ».
Les besoins des quartiers ? Ils semblent être clairs. Quant aux réelles
réponses, elles ne peuvent que s’élaborer dans la lutte de classe, même
si le PCF lui préfère la négociation avec le gouvernement.
Son organe de jeunesse a même franchi un pas de plus
en direction de la réaction républicaine en soulignant que « les
incivilités, la violence diffuse, sont l’apanage d’une minorité de
personnes [dans les quartiers]. Mais cela suffit pour gâcher la vie (…),
d’autant plus que ce sont le plus souvent les personnes en situation de
précarité qui subissent le plus ces violences. Des réponses de police
et de justice sont nécessaires [21] ».
Les staliniens se sont-ils demandé, quand Buffet et ses ministres
étaient au gouvernement sous Jospin, de qui ils gâchaient la vie lorsque
le gouvernement de gauche plurielle a bombardé la Yougoslavie en 1999
puis l’Afghanistan en 2001 ? Se sont-ils demandé de qui ils gâchaient la
vie en participant à un gouvernement qui a plus privatisé que la droite
auparavant et qui face aux licenciements disait qu’il n’y avait rien à
faire, sauf peut-être que la CGT joue les médiateurs et les pompiers,
avant d’envoyer les flics ? Se sont-ils demandé de qui ils gâchent la
vie lorsque les maires PCF expulsent de leurs logements des travailleurs
immigrés, comme dernièrement à Aubervilliers ou à Montreuil, pour ne
citer que deux cas dans le 93 ?
En mettant sur un pied d’égalité les violences
policières et la réponse légitime même si stratégiquement inadéquate des
jeunes, en déclarant que « Sarkozy, de Villepin et la droite au fond ne
craignent pas ceux qui incendient et détruisent les biens privés et
publics [22] »
comme s’il existait une collusion entre les premiers et les seconds,
comment ne pas repenser à l’époque – bien distincte certes – où le PC,
sous la plume de Marchais, estimait que les trublions « doivent être
énergiquement démasqués car objectivement ils servent les intérêts du
pouvoir gaulliste et des grands monopoles [23] »,
où encore se demandait « comment qualifier ceux qui par leurs
agissements irresponsables, leurs violences, leurs injures, ont provoqué
cette situation [en s’en prenant à un symbole de l’Education française
et en dépavant la cour de la Sorbonne] [24] » ?
Non, le mouvement des jeunes de banlieue est avant
tout spontané et plutôt que de l’aider à exprimer sa rage contre l’ordre
et l’Etat bourgeois néocoloniaux, racistes et oppressifs, le PCF
s’élève en parole seulement contre « l’état d’exception », participe
faiblement aux mobilisations contre l’état d’urgence en soulignant
toujours le nécessaire retour au calme qu’il défend activement
localement avec les autres élus, dans des rondes para-policières. Enfin,
à l’image de Villepin qui combine répressif et « social », le PCF,
comme en 1968 – où il dénonçait les actes délictueux des étudiants
petit-bourgeois ennemis du mouvement ouvrier qui ne demande qu’à
travailler en paix, début mai - réclame aujourd’hui, afin de mieux
canaliser et négocier dans un second temps, un « Grenelle [25] »,
mais cette fois-ci des quartiers. Une telle négociation ne sera que de
la poudre aux yeux entre gouvernement, élus et associations qui géreront
la misère quotidienne avec quelques millions d’euros supplémentaires
pour acheter la paix sociale tandis que chômage, racisme et précarité
continueront à être le lot quotidien des banlieues… [26]
en attendant le retour aux affaires, à niveau national, du PC au sein
d’une nouvelle mouture de l’union de la gauche, anti-populaire et
anti-ouvrière.
Après « la violence hors de l’Histoire » en 1968, « la violence stérile » en 2005 : LO et la révolte des jeunes
La position de l’extrême gauche depuis le début des
événements est plus que problématique. Celle de Lutte Ouvrière dans ses
éditos de bulletins d’entreprise est franchement honteuse, collant de
prés à la ligne du PCF. Après s’être fait l’écho de la théorie selon
laquelle la révolte serait menée par des voyous [27],
LO souligne de manière ambiguë que « même sur le plan strictement
policier, il n’y a pas, dans les quartiers dits sensibles, plus de
police de proximité ou de postes de police permanents [28] »
comme si police de proximité et commissariats auraient sauvé les
voitures brûlés des travailleurs des cités et les bâtiments publics. De
toute façon, pour LO, le problème des banlieues est vite réglé puisque
« les jeunes émeutiers ne [montrent] pas une grande conscience [29] ».
Certes, le problème du niveau de conscience des
jeunes révoltés est réel, mais ils ne sont que les héritiers d’un legs
écrasant pesant ici et ailleurs, la crise de la subjectivité ouvrière,
vingt années d’offensive patronal, du chômage de masse. Il ne faut pas
non plus oublier que ce sont les laissés pour compte des organisations
ouvrières traditionnelles qui ne les représentent pas et ne les ont
jamais réellement défendus. Les organisations d’extrême gauche devraient
orienter leurs politiques de manière à essayer de débattre
fraternellement avec eux de l’efficacité et l’impact stratégique de leur
lutte et les méthodes utilisées. Mais que doit-on demander à ces
jeunes ? De renouer avec une tradition de lutte ouvrière qu’ils n’ont
jamais connu ou doit-on au contraire exiger aux directions du mouvement
ouvrier organisé, à commencer par les syndicats, d’être solidaire de
cette jeunesse désespérée et lui montrer le chemin de l’affrontement
réel avec le patronat qui la surexploite lorsqu’elle accède à
l’embauche, la condamne au chômage ou au travail précaire ne lui
laissant entrevoir aucun futur. N’est-ce pas à l’extrême gauche de
montrer la seule voie possible existante nécessaire pour résister à
l’oppression systématique dont cette jeunesse est victime, qui ne se
résume pas seulement à la relégation sociale dont elle est la cible mais
repose également comme beaucoup feignent de l’ignorer sur le racisme
institutionnel et néocolonial sécrété par l’ensemble des rouages de
l’Etat [30] ?
Pour LO, la révolte des jeunes n’est que stérile.
Bien que leur révolte soit limitée stratégiquement, ces jeunes ne sont
pourtant que la caisse de résonance sociale des contradictions
capitalistes, la caisse de résonance sociale dont l’ensemble du monde
ouvrier doit être solidaire et tirer profit, faute de quoi le
gouvernement reprendra la main et le retour de bâton n’en sera que plus
fort. Mais l’attitude dogmatiquement ouvriériste combinée à un
attentisme toujours croissant accompagnant son électoralisme et sa
politique para-syndicale conduisent LO à l’impuissance, tant dans son
analyse que dans l’action. Déjà pour 1968, Hardy reconnaît
rétrospectivement que Voix Ouvrière – l’ancêtre de LO – « ne croyait pas
[à la révolte étudiante]. On ne croyait pas que ça pouvait aller très
loin. [Les] barricades nous semblaient sans débouché politique
important. (…) Il nous semblait qu’elles ne conduisaient à rien parce
que les travailleurs étaient absolument en dehors du mouvement [31] ».
Cette analyse ouvriériste sous-tendait effectivement son intervention,
comme en reflète un article mémorable publié quelques jours avant l’une
des grèves les plus puissantes de la classe ouvrière en France, annoncée
précisément par la révolte étudiante. Cet article traite du rôle de la
violence et du mouvement des étudiants – que VO réduit à ses directions
gauchistes – : « (…) L’emploi de la violence ne peut être compris,
approuvé et accepté par le prolétariat ou une fraction de celui-ci que
s’il s’insère dans sa lutte, s’il s’impose pour mener à bien celle-ci.
(…) Mais il n’y a pas que pour [la petite-bourgeoisie conservatrice] à
qui la violence soit a priori antipathique, surtout lorsque sa nécessité
ne s’impose pas d’une manière évidente. Les travailleurs ont les mêmes
réactions [32] ».
De cette analyse et de l’hostilité manifeste que certains secteurs de
la classe ouvrière en France et en Europe – influencé par le stalinisme,
les bureaucraties syndicales et l’idéologie dominante – auraient
manifesté a priori dans un premier temps à l’égard du mouvement étudiant
avant d’entrer à leur tour dans la lutte, il découle « [qu’]il n’est
pas question que les révolutionnaires, quels qu’il soient, gagnent à eux
l’ensemble ou même une fraction très importante de la classe ouvrière
en dehors des époques révolutionnaires [renvoyées aux calendes grecques,
NdR]. En temps ‘normal’ [l’article écrit en avril 1968…], leur rôle se
borne à un travail de propagande, d’agitation pour la propagation de
leurs idées, de participation aux luttes concrètes de la classe ouvrière
(…) pour construire le parti révolutionnaire : c’est une tâche dont la
longueur dépend autant, sinon plus, des événements que des
révolutionnaires eux-mêmes [33] ».
Aujourd’hui, à une période certes fortement
distincte, où la crise de la subjectivité ouvrière est patente et les
processus de sa recomposition encore embryonnaire à échelle
internationale, LO se contente donc de souhaiter « que la classe
ouvrière, en retrouvant sa capacité à réagir à l’offensive du patronat
et du gouvernement, trouvera l’oreille de la jeunesse des quartiers
populaires et que celle-ci, de son côté, pourra, aux côtés de l’ensemble
du monde du travail, exprimer ce qui est légitime dans sa révolte en
laissant les voyous et les petits trafiquants sur le bord du chemin [34] ».
Jamais il n’est question que le monde du travail écoute les jeunes de
banlieues et ce qui est légitime dans leur révolte. En insistant à
nouveau sur les voyous et les petits trafiquants comme certains sur la
racaille, LO récidive une semaine après toujours dans ses bulletins de
boîte : « pour que la jeunesse pauvre n’en soit pas réduite à
l’alternative entre la résignation dans l’exploitation et la violence
stérile, il faudrait que le mouvement ouvrier retrouve sa capacité de
lutte et surtout la volonté politique d’incarner vis-à-vis de cette
jeunesse un espoir de transformation sociale [35] ».
Après la violence hors de l’Histoire, la violence stérile donc. LO n’en
appelle à aucun moment à ce que les organisations syndicales prennent
leurs responsabilités et n’a bien évidemment pas participé de manière
importante jusqu’à présent aux rares initiatives contre l’état
d’urgence. Arlette a juste souligné lors du meeting du PCF contre la
privatisation d’EDF, où se trouvaient les dirigeants ayant vendu la
lutte des électriciens en 2004 et des marins de la SNCM dernièrement,
meeting qui se tenait le lendemain du décret de l’état d’urgence, que
« personne ne peut être naïf au point de croire qu’un appel à la grève
générale illimitée puisse marcher d’un seul coup. Mais il faut que les
travailleurs sachent que c’est cela, l’objectif [36] ». Là aussi, ça ne mange pas de pain.
Services publics et violences.
Les médias ainsi que les organisations ouvrières ont
répété à l’envi la liste des biens privés et « collectifs » attaqués par
les émeutiers, à commencer par les locaux des services publics. En
refusant de voir que l’essentiel des affrontements s’est déroulé entre
les jeunes et les forces de répression, sans essayer de comprendre la
rage des émeutiers, toutes les organisations ouvrières ont condamné ces
attaques contre les services publics, à plus forte raison au moment où
ils sont la cible des politiques anti-sociales du gouvernement. Legs de
la période post-Libération et des Trente Glorieuses ces services publics
– pris en charge par l’Etat ou les collectivités car parfois non
immédiatement rentables, nécessitant un fort investissement initial que
les capitalistes privés ne veulent faire ou encore nécessaires à la
reproduction du capital – sont avant tout des services de classe au
service de la bourgeoisie. Ils ne sont que partiellement publics,
partiellement collectifs. Comment pourraient-ils l’être dans la mesure
où ils dépendent d’un Etat bourgeois [37] ?
Cela est d’autant plus ressenti ainsi quotidiennement que loin de
protéger ou d’améliorer les conditions de vie des populations les plus
paupérisées et précarisées, ils ne sont pas un recours mais représentent
parfois une pression supplémentaire. Dans les quartiers où vivent les
classes populaires les plus exposées, EDF, même lorsque l’entreprise
était totalement publique, est loin d’être ressenti comme un « groupe ne
faisant pas de profit privé sur la production et la distribution de
l’électricité [38] »,
produit de première nécessité. Alors que les factures augmentent, que
la Poste n’est que l’officine où sont envoyés des CV au prix fort sans
que l’on ne reçoive aucune réponse, que les transports ne servent qu’à
aller regarder de loin les richesses des centres-villes où les jeunes se
font systématiquement contrôlés, les services publics n’ont de fait
rien de « public » pour ces populations. En prenant ces cibles à partie
comme s’il s’agissait des symboles mêmes de l’Etat dans les quartiers,
bus, gymnases, écoles ou bureaux de poste, les émeutiers se trompent
stratégiquement de cible mais expriment néanmoins leur rage contre un
Etat qui n’est pas le leur.
Pour protéger leur outil de travail et conserver ce
qui est en dernière instance un bien partiellement collectif qui devrait
l’être réellement, les salariés des services publics travaillant dans
les quartiers ne peuvent compter ni sur les rondes des flics ni sur
celles des élus de la majorité ou de l’opposition dont les partis sont
ou ont été les artisans de la destruction des services publics. La seule
réponse ouvrière possible était de se mettre en grève contre la
présence et la répression policière à l’origine des violences et des
conditions de travail délétères au moment du mouvement de novembre.
C’était là la meilleure manière pour tisser une discussion réelle avec
les jeunes révoltés les plus conscients et les habitants des quartier.
Les salariés auraient ainsi pu montrer aux jeunes et aux travailleurs
vivant dans les quartiers périphériques ce que le « tous ensemble »
signifie, et ce que serait réellement un service public de classe, géré
par et pour les travailleurs. C’est ce qu’avaient commencé à montrer
l’avant-garde des salariés de l’énergie en juin 2004 dans les quartiers
populaires par leurs opérations Robin des Bois. C’est le meilleur moyen
pour que les salariés travaillant dans les quartiers défendent
réellement, et aux côtés des habitants des quartiers, leur outil de
travail. En portant les revendications implicites des jeunes et des
populations de ces quartiers, comme la gratuité des transports locaux et
ferroviaires pour les jeunes, les chômeurs et les précaires, le
paiement des factures énergétiques et de l’eau en fonction des revenus
des familles ainsi que l’ensemble des services offerts par la Poste
(courrier, opérations bancaires nationales et internationales), ils s’en
feront des alliés déterminants à l’heure de défendre leurs conditions
de travail, de lutter contre les privatisations et transformer les
services publics en de véritable services publics de classe.
Les jeunes et l’Ecole
Il en va de même pour l’Ecole. Les émeutiers vivant
dans des quartiers où les difficultés scolaires s’ajoutent à la détresse
sociale s’en sont pris à de nombreuses écoles, crèches et collèges de
leurs quartiers qu’ils assimilent directement à l’Etat. Chirac dans son
discours annonçant la prorogation de l’état d’urgence de trois mois le
14 novembre a d’ailleurs rendu aux enseignants et aux éducateurs un
vibrant hommage dont ils se seraient certainement passés, en les
comparant à la police et aux gendarmes. L’amalgame dont Chirac s’est
fait le porte-voix et la situation d’échec scolaire supérieure à la
moyenne nationale dans les ZEP ainsi que l’absence de débouchés
professionnels même pour les plus diplômés sont à l’origine des
situations que l’on sait. L’Ecole de la République est loin d’être ce
lieu d’émancipation pour les jeunes, vision d’une Eglise moderne mais
laïque et positiviste que nous a léguée la III° République et à laquelle
est tant attaché la bureaucratie syndicale ainsi que l’extrême gauche, à
commencer par LO. L’éducation est un droit démocratique élémentaire,
mais certainement pas, dans le cadre de la société actuelle et encore
moins dans ces quartiers un instrument absolu d’émancipation. L’Ecole de
la République, pétrie de réaction et de colonialisme, latents ou
manifestes, est de surcroît vue par les jeunes des quartiers comme un
lieu de formation ne débouchant pas même sur la promesse d’une autonomie
financière toute relative par le travail dans la mesure où des familles
entières, diplômées ou non, sont condamnées au chômage.
LO déplore les manques de moyens de l’Education
Nationale, soulignant le rôle des valeureux enseignants, comme cette
« institutrice, à certains moments aidée d’une assistante, [qui] doit
gérer l’apprentissage de plusieurs dizaines d’enfants de langues
différentes et leur enseigner, outre l’éveil à leur environnement, le
B.A.-BA de la vie collective ! [39] ».
Tout est question de moyens selon LO, « des moyens en locaux mais
surtout en adultes nombreux, formés, motivés, enseignants de toutes
matières, éducateurs et bibliothécaires, personnels d’entretien, tous
pouvant contribuer à transmettre à de petits groupes de jeunes les
règles élémentaires de vie en société, le sens de la solidarité sociale
et aussi la capacité à apprendre qui leur permettra de poursuivre des
études choisies [40] ». Pour ces sauvageons parlant « le pauvre sabir des banlieues [41] »,
qui ne connaissent même pas la bonne maîtrise de la langue de Racine et
de Jules Ferry et qui n’ont même pas le sens des règles élémentaires de
la vie en société « on n’a pas donné à l’école les moyens d’apporter
l’apprentissage d’un minimum de langage permettant de comprendre un
raisonnement. On ne leur a pas appris non plus à lire correctement en
pouvant assimiler des textes un peu complexes, ce qui avec
l’apprentissage de l’écriture pouvait leur permettre d’assimiler
l’enseignement primaire voire celui du collège, au lieu d’être en échec
permanent. Ce qui les mène à rejeter toute culture qui, croient-ils, ne
sert à rien par elle-même [42] ».
A l’inverse de ce mépris pour ces jeunes « qui n’ont pas grande
conscience » et qui vraiment ne comprennent rien à rien selon LO, les
révolutionnaires et les militants combatifs doivent lutter pour que les
enseignants et les personnels travaillant dans ces quartiers agissent en
tant que travailleurs, montrant que l’Ecole n’est pas ce lieu
d’oppression et de répression sans débouché tel que les jeunes le
ressentent. Il faut leur démontrer que les travailleurs du secteur
éducatif sont un allié précieux à leur lutte, en premier lieu en étant
solidaires des jeunes et des habitants des quartiers contre les
violences policières. Contre la vision caricaturale des missionnaires
prêchant la bonne parole chez les sauvages, des Pères Blancs éduquant à
la vie en société les analphabètes, et des hussards noirs de la
République symbole de culture libératoire, il faut démontrer que tous
ensemble on peut révolutionner l’Ecole. Enseignants, personnels,
travailleurs de l’Education Nationale ne peuvent lutter pour plus de
moyens, contre les attaques du gouvernement et aujourd’hui contre les
menaces pesant sur leurs lieux de travail en reprenant à leur compte le
discours le plus périmé, méprisant et réactionnaire manié par la
bourgeoisie et le gouvernement. Ils doivent lutter pour leurs
revendications aux côtés des jeunes et des parents d’élèves en faisant
apparaître de réelles perspectives de combats émancipateurs, pour le
droit à la formation et le droit au travail, contre le chômage, la
précarité et le racisme.
Les coups de matraque du gouvernement et ce que devrait être la riposte ouvrière, jeune et populaire.
Face
à la crise ouverte par les banlieues, le gouvernement et plus
tardivement le chef de l’Etat ont eu le culot d’affirmer, entre deux
coups de matraque et une bombe lacrymogène dans une salle de prière,
qu’ils apportaient des réponses aux problèmes des banlieues, les
déclinant en deux volets, sécuritaire et social. Comme le souligne
François Soudan, « l’alternance de propos martiaux et de petites phrases
sociales et paternalistes à l’égard de la jeunesse des quartiers ne
traduit pas [...] un mélange de dureté et d’empathie. Elle est
l’expression même du double langage politicien –un art longtemps
pratiqué avec maestria par un certain Jacques Chirac [43] ».
Il est tout d’abord honteux que les jeunes, jusqu’au
décret de l’état d’urgence, soient restés aussi isolés du reste des
organisations ouvrières les plus importantes qui n’ont pas bougé un seul
instant pour lutter en faveur de revendications démocratiques
élémentaires : pour faire toute la lumière sur le meurtre de Clichy,
pour le retrait des forces de répression des quartiers, la démission des
incendiaires du gouvernement à commencer par Sarkozy et la libération
inconditionnelle de tous les jeunes interpellés, gardés à vue et jugés à
la suite de la violente répression policière. C’est dans ce climat
attentiste et complice, alors qu’une partie de l’opinion publique
ouvrière et populaire était loin d’être favorable dans un premier temps à
la politique répressive du gouvernement que douze jours plus tard
Villepin a pu jouer son va-tout en décrétant l’état d’urgence,
retournant une partie de l’opinion en sa faveur.
Dehors la chiracaille !
Les responsables de l’explosion de la crise, les
pompiers pyromanes qui jettent de l’huile sur le feu habitent eux aussi
dans des HLM, mais dans les beaux quartiers. Leur adresse est connue :
l’Elysée, Matignon et Place Beauvau. C’est contre toute la chiracaille
qu’il faut lutter et qu’il faut virer, sans attendre 2007 et
l’alternance présidentielle et gouvernementale qui ne saurait que
poursuivre avec d’autres valais du capital, plus à gauche parait-il, les
politiques anti-ouvrières et anti-populaires qu’ont menées Raffarin et
Villepin jusqu’à présent. Plutôt que de continuer à œuvrer directement
ou indirectement à la recomposition d’une seconde gauche qui serait plus
social-démocrate et moins social-libérale que la première –ce sont en
fait les deux revers de la même médaille-, l’extrême gauche, qui a une
audience en France auprès des militants lutte de classe, des
travailleurs et des jeunes combatifs, devrait lutter pour une
alternative ouvrière et populaire de gouvernement, ce gouvernement des
travailleurs qui seul pourra mettre en œuvre les mesures nécessaires
pour répondre à la crise. Cette lutte devrait aujourd’hui s’articuler
autour d’un programme d’urgence social transitoire, s’appuyant notamment
face au virage gouvernemental et ses décrets liberticides sur un
ensemble de revendications démocratiques élémentaires.
Pour une commission d’enquête indépendante des organisations
ouvrières et des comités de quartier pour faire toute la lumière sur la
mort de Zyed et Bouna.
Sarkozy a fait sortir de prison le « gardien de la
paix » qui étaient à l’origine des violences contre un jeune du
Blanc-Mesnil. La suspension des autres flics n’a été prise que dans la
mesure où ils ont été épinglés par des cameramen de la télé française,
alors qu’à échelle plus globale les flics et les gendarmes se sont
livrés à une répression violente – même si la consigne était d’éviter la
bavure – contre les jeunes émeutiers mais également les populations des
quartiers, comme à Grigny par exemple. Pendant ce temps, de
déclarations contradictoires en rétractations, on ne sait toujours rien
des circonstances de la mort de Zyed et Bouna. Les responsables de leur
mort seront-ils blanchis par leurs collègues de la Justice comme cela
est généralement le cas ? Nous savons d’ores et déjà que les flics et
les gendarmes recevront une prime au tabassage pour les bons et loyaux
services rendus à l’Etat pendant les événements, c’est ce qu’ont annoncé
de concert Sarkozy et Alliot-Marie. Nous devons exiger la mise en place
d’une commission d’enquête indépendante des organisations ouvrières et
des comités de quartier pour faire toute la lumière sur le double
meurtre de Zyed et Bouna.
Pour le retrait de l’état d’urgence.
La prolongation de Vigipirate et son maintien actuel
au niveau rouge répondait déjà au renforcement du contrôle de l’Etat sur
la population en général. Aujourd’hui, l’adoption – avec les voix du PS
à l’Assemblée dans un premier temps – et la prolongation de l’état
d’urgence pour trois mois vise les jeunes et les populations des
quartiers dont on veut légaliser le confinement systématique et le
contrôle. Il servira demain à réprimer avec toute la force de l’état
d’exception les travailleurs qui refuseraient de lutter tel que leur
indique les bureaucrates syndicaux – champions de la défaite annoncée et
de la collaboration – et s’aventureraient sur les chemins détournés de
la seule lutte ouvrière qui paie, radicale, démocratique et généralisée.
Point n’est besoin d’énumérer les différents articles composant la loi
d’avril 1955 : atteintes aux libertés de parole, de réunion, de presse,
aux droits de la personne, au droit de manifester, etc.. L’état
d’urgence est une menace réelle pour l’ensemble des couches populaire et
le mouvement ouvrier. En ne s’y opposant pas fermement par les méthodes
qui sont celles de notre classe, la grève, les directions syndicales
préparent les défaites et la répression de demain contre les salariés en
lutte. Après les flics contre les lycéens, le GIGN contre les marins du
Pascal Paoli et le GIPN au printemps contre les postiers de Bègles, les
travailleurs doivent-ils attendre qu’on leur envoie les chars ?
Pour le retrait des forces de répression.
Les responsables des violences qui ont embrasés les
quartiers sont les quelque 12.000 flics et gendarmes envoyés par le
gouvernement épaulant les autres étant présents sur le terrain. Ils
doivent être évacués sans délai. Les habitants des quartiers populaires,
et encore plus les militants des organisations ouvrières, ne peuvent en
aucun moment faire confiance aux rondes organisées par les élus, même
de gauche et même s’il ne s’agit pas de comités de vigilance fascisants,
pour rétablir la sécurité dans les quartiers. Ce sont les partis de
gouvernement et de gestion locale auxquels appartiennent ces mêmes élus
PS, PC, Verts et autres qui sont responsables de la situation dans
laquelle se trouve les banlieues.
Pour la libération de tous les jeunes incarcérés et l’arrêt
de toutes les poursuites et les procédures d’expulsion visant les jeunes
ayant participé au mouvement de novembre.
Pour étouffer le mouvement des banlieues, la chaîne
répressive commençant par l’interpellation et se terminant au Tribunal
marche à tout-va. Interpellations brutales et se fondant sur la seule
parole de flics assermentés, justice expéditive, comparution immédiate,
droits de la défense bafoués et maintenant les premières expulsions :
voilà le vrai visage de la patrie des droits de l’homme. Combien de
temps doit-on tolérer ce qui n’est que l’aboutissement de la politique
réactionnaire sur le plan juridique et des libertés civiques des
législations adoptées par les gouvernements successifs, depuis les lois
Pasqua, Chevènement, les dispositifs mis en place par Vaillant puis par
Sarkozy et Perben ? Va-t-on laisser les jeunes se faire expulser par
charter sans rien faire ? C’est tous ensemble que nous devons lutter
pour l’arrêt des poursuites contre les jeunes ayant participé au
mouvement de novembre. Non à la double peine, des papiers pour tous et
toutes, abolitions des lois sécuritaires et racistes, qu’elles soient de
droite ou socialistes !
Apprentissage à 14 ans ou renforcement massif des moyens pour l’Ecole ?
Les mesures sécuritaires de Villepin et Chirac
s’accompagnent d’un volet social tout aussi réactionnaire. Parmi les
mesures phare du gouvernement figure le rétablissement de
l’apprentissage dès l’âge de 14 ans pour « ceux et celles qui ne
seraient pas faits pour l’école ». C’est une atteinte sans précédent au
droit à la scolarisation jusqu’à 16 ans et une mesure démagogique et
pro-patronale visant à répondre à un problème existant. Des centaines de
milliers de jeunes se trouvent en échec scolaire au sein d’une
institution qui n’est pas capable, par manque de moyens humains et
matériels, par sa structure idéologique même également, de répondre à
leurs besoins. Alors que les postes d’enseignants sont non-pourvus, que
les vacataires sont jetés sur le pavé, que le nombre de postes aux
concours diminuent chaque année, que les statuts des personnels
d’encadrement, ouvriers et techniques ont été démantelés, ce ne sont pas
5.000 aides éducateurs ou quelques places en internat qui sont
nécessaires. Il faut lutter dans un premier temps une réelle politique
scolaire et de formation qui réponde aux nécessités existantes et se
bagarrer pour l’imposer aux organisations syndicales de l’EN qui se sont
contentées de crier au scandale sans prendre des mesures de riposte
immédiates. Face aux attaques actuelles contre le Code du Travail et les
ordonnances de l’été, l’ensemble des organisations ouvrières se doivent
de refuser l’apprentissage à 14 ans, mesure réactionnaire, et en faire
le point de départ de la nécessaire contre-offensive ouvrière et
populaire pour reprendre ce que l’on nous a volé et enlevé depuis plus
de vingt ans.
Emplois au rabais et Zones Franches Urbaines ou répartition
des heures de travail et embauche de tous les intérimaires et précaires
pour lutter contre le chômage ?
Pour lutter contre le chômage et les discriminations,
Chirac et Villepin ne reculent devant rien. Le souhait de voir rétablir
l’ordre des casernes chez certains députés de la majorité se traduit
dans leur discours par la création d’emplois précaires mais réservés au
sein de la fonction publique ou créer à bon compte des auxiliaires pour
les forces de répression recrutés directement dans les quartiers (cadets
de la République). Mais ce sont de vrais emplois que veulent les
jeunes, pas des boulots précaires ou des boulots de matons. Chirac et
son Premier ministre en appellent même au bon vouloir des patrons pour
lutter contre les discriminations au travail. Pendant ce temps, ils leur
promettent de nouvelles Zones Franches qui viendront s’ajouter aux 85
paradis fiscaux prospérant au beau milieu des quartiers. Les patrons y
sont exemptés d’à peu près tout au niveau fiscal et même d’embaucher des
jeunes du coin comme cela devrait être fait pour 30% du personnel.
C’est d’ailleurs les entreprises accusées de ne pas embaucher de jeunes
des quartiers qui ont été prises pour cible par les émeutiers au cours
du mouvement de novembre. Pour mettre fin au fléau du chômage, il faut
tout d’abord lutter pour l’embauche de tous les intérimaires travaillant
dans les entreprises, comme avaient commencé à le revendiquer les
travailleurs de Citroën Aulnay au printemps. Il faut lutter pour la
répartition des heures de travail entre tous, sans réduction de salaire,
à commencer par les Zones Franches où sont installées des entreprises
qui font d’énormes bénéfices sur le dos des travailleurs.
Enième « politique de la ville » ou programme massif de
construction de logements populaires sous contrôle ouvrier et des
populations ?
Tout ce qui jusqu’à présent a été présenté comme les
« politiques de la ville » n’ont été que des mesures d’accompagnement
social de la dégradation des conditions de vie dans les banlieues
dortoir où le chômage, la précarité et la pauvreté font rage. Ce ne sont
pas le rétablissement de quelques dizaines de millions d’euros de
crédit aux associations pour acheter la paix sociale qui changera
quelque chose à cela. Le Plan Borloo actuel ne prévoit que des mesures
démagogiques de saupoudrage. Son axe central reste les destructions
d’immeubles qui ne s’accompagneront pas d’un relogement systématique,
accentuant la précarité des familles. Cette politique de nettoyage
social dans les quartiers se fait au plus grand bénéfice des
spéculateurs immobiliers avec la complicité des maires toutes tendances
confondues, chassant les pauvres le plus loin possible des centres
urbains, même périphériques, pour les remplacer par des locataires et
propriétaires plus respectables des classes moyennes. Quant à la loi de
réquisition, elle reste au placard, pour ne pas faire chuter le prix du
marché comme le disait autrefois Martine Aubry. Les organisations
ouvrières, celles qui disent défendre un programme d’urgence pour les
banlieues, devraient lutter pour la perspective d’une grande politique
de construction de logements populaires sous le contrôle des
travailleurs et des habitants pour commencer à résorber la crise du
logement et le chômage, avec des embauches massives de jeunes.
Pour des comités de quartier contre les violences policières
et une coordination inter-quartiers pour imposer une issue ouvrière et
populaire à la crise sociale et mettre fin aux discriminations racistes
néocoloniales
Pour défendre cette perspective et maintenir la
flamme de la révolte de novembre 2005 par-delà les aléas de la lutte,
l’extrême gauche et tous les militants politiques et syndicaux combatifs
devraient proposer aux jeunes et aux habitants des quartiers de mettre
sur pied des comités contre les violences policières et les
discriminations. En se coordonnant à niveau régional et national, ces
comités auraient la force d’imposer aux organisations ouvrières la
nécessité de défendre réellement un plan d’urgence pour les banlieues et
commencer à lutter pour l’application de ce programme et des
revendications que le mouvement a porté. Cela pourrait se concrétiser à
travers la lutte pour un mouvement d’ensemble, une grève générale
reconductible nécessaire pour faire aboutir ces revendications. C’est
sur cette base indépendante et autonome que les idées révolutionnaires
pourront reprendre pied parmi les populations les plus opprimées et
exploitées de l’Hexagone, commençant à retisser les liens indispensables
entre jeunes travailleurs et lycéens et étudiants, chômeurs et salariés
en activité, femmes et hommes, travailleurs « français de souche » et
travailleur immigrés ou « issus de l’immigration », afin de lutter tous
ensemble pour imposer une issue ouvrière et populaire à la crise sociale
et mettre fin aux discriminations racistes néocoloniales.
Mais que font-ils tous ?
A
l’heure actuelle, la situation est grave. L’Etat d’urgence a été
prolongé de trois mois avec tout ce que cela comporte de risques pour
les classes populaires dans leur ensemble et le mouvement ouvrier. Le
gouvernement a pu opérer son virage bonapartiste dans la mesure où il
n’a eu à affronter aucune opposition, ni au Parlement, ni dans la rue et
les entreprises, les quartiers étant laissés aux forces de répression
qu’affrontaient seuls les jeunes, malgré de timides manifestations
locales, bien tardives d’ailleurs puisque les premières n’ont été
appelées qu’après la décision de Villepin de décréter l’état d’urgence.
L’échec des journées d’action appelées en saut de mouton par les
directions syndicales fin novembre (SNCF, RATP et EN notamment) ont
confirmé, à l’inverse des prévisions optimistes de la LCR, que « dans le
climat angoissant des derniers jours, avec un mouvement ouvrier
tétanisé [par le manque d’une riposte rapide] par l’offensive
autoritaire et policière [44] », il est difficile de rebondir.
Nous nous devons bien, en guise de conclusion,
d’apporter quelques éléments de réponse aux trois questions posées par
le titre de l’article.
Mais que fait la police ?
Rien d’autre que son travail de chien de garde du
capital et de l’ordre bourgeois, raciste, néocolonial et réactionnaire.
Dans les situations comme celles que vivent les jeunes de banlieues,
aucune différence, n’en plaise aux sophistes universitaires se targuant
de gauchisme, entre la police nationale ou les milices patronales. La
police, dans son ensemble, n’est ni à réformer ni à éduquer dans le
respect des personnes comme feint de le croire la LCR dans son projet de
Manifeste, ce que reprennent d’ailleurs tous ses courants internes...
Elle est à dissoudre, comme tout l’ordre bourgeois qui devra être
remplacé par le nôtre, celui des travailleurs et de la jeunesse.
Mais que font les syndicats ?
Ils attendent d’être reçus à Matignon et qu’on les
consulte. Pendant ce temps, ils condamnent les violences, d’où qu’elles
viennent, en appelant à la restauration de l’ordre républicain. Les
syndicats ayant signé les appels contre l’état d’urgence à partir du 8
novembre, notamment la FSU et la CGT, se sont bien gardé d’appeler
clairement à la mobilisation, contre ce gouvernement de racailles et sa
politique militaire. Quelle différence entre ces chiens de garde-là et
les précédents ? C’est dur à dire, à moins que les travailleurs
déterminés reprennent le contrôle de leurs organisations en en chassant
les bureaucrates pour en faire des instruments de lutte de tous les
exploité-e-s et de tous les opprimé-e-s. Il est nécessaire que
l’ensemble des syndicats combatifs au sein des confédérations, sections
combatives dans les entreprises et les lieux de travail, les UL ou les
UD oppositionnelles, les syndicats dits combatifs à commencer par les
SUD, luttent pour la perspective d’un mouvement d’ensemble, décidé par
la base, en AG locales et coordonnées à tous les échelons, pour imposer
aux confédérations la nécessité de lutter tous ensemble pour le retrait
de l’état d’urgence et ébaucher un plan d’action de grèves
reconductibles dans la perspective de la grève générale pour combattre
la politique anti-ouvrière et anti-populaire du gouvernement [45].
Que fait l’extrême gauche ?
Elle professe un docte trotskysme dans ses stages de
formation mais agit en béquille de gauche du PCF et des bureaucraties
syndicales quand la lutte de classe en appelle à l’action déterminée de
ceux qui devraient représenter, aux côtés des travailleurs et des jeunes
combatifs, une alternative à la misère et à l’exploitation quotidienne
et à la répression lorsque la situation imposée par le patronat et la
bourgeoisie l’exige.
La direction de la LCR – dont l’orientation a été
moins droitière que son partenaire d’élection, LO – n’a cependant pas
agi dans les faits pour essayer de donner corps à un réel mouvement
d’opposition aux lois d’exception et dresser un pont entre les banlieues
et le mouvement ouvrier. Elle en aurait cependant les moyens et le fait
de reconnaître d’avoir réagi tardivement comme le soulignait Besancenot
lors de la manifestation parisienne du 16 novembre permet de faire
amende honorable mais n’a pas infléchi réellement l’orientation
politique de l’organisation au cours des semaines suivantes. Refusant de
suivre l’orientation tracée par la JCR dès le début des événements [46],
la LCR n’a pas avancé dès le début la perspective de la lutte pour le
retrait des forces de répression, la libération et l’arrêt des
poursuites contre les jeunes, le départ du gouvernement et toute la
lumière sur le double meurtre de Clichy. Refusant de mobiliser sur cet
axe massivement dans les quartiers populaires et les entreprises, la
lutte « jusqu’au bout » pour ces revendications démocratiques
élémentaire s’est arrêté en milieu de chemin.
La LCR reconnaît d’ailleurs que les difficultés
rencontrées pour organiser une réponse massive contre le recours à la
répression policière dans les banlieues et l’état d’urgence tient au
fait que de nombreuses organisations « d’en haut » auxquelles la Ligue
donne plus d’importance qu’à la lutte pour la mobilisation « par en
bas » « ont tendance à condamner les violences d’où qu’elles viennent [47] » alors que d’autres « feignent de croire que la présence des forces de police est nécessaire au retour au calme [48] ».
Mais par respect pour ces mêmes organisations qui se trouvent dans le
camp de l’ordre bourgeois – même de gauche et peut-être même
anti-libéral –, par respect pour le cadre unitaire que la LCR a
elle-même forgé au cours de la campagne pour le Non, qui ressemble plus à
un carcan pour les idées d’extrême gauche et une opportunité de se
faire une nouvelle virginité pour les réformistes, la direction de la
LCR s’est retrouvée à la remorque des directions du PC et des syndicats
pour leur faire signer des appels qu’ils n’ont même pas fait suivre des
faits. Quant à l’appel à « braver le couvre-feu (…) unitairement et
pacifiquement dans les communes [49] »,
ça donne un côté radical certes, ça calme les jeunes et les mécontents
dans l’organisation certes, mais ça ne mange pas de pain. Pourquoi ne
pas dire et lutter pour que cette riposte soit réellement collective, en
l’imposant si nécessaire aux directions bureaucratiques du mouvement
ouvrier, en la faisant voter en assemblées de base, dans les boites, les
entreprises et les facs et surtout pas pour mobiliser chacun dans son
coin mais tous ensemble devant le Parlement ? Pendant ce temps, les
discussions byzantines et pédagogiques sur une hypothétique candidature
commune de la LCR avec des anciens ministres de Jospin se poursuivent
alors que les banlieues brûlent, les tribunaux restent ouverts jusqu’à
tard dans la nuit, les charters s’emplissent, les flics quadrillent les
cités et Villepin joue au Bonaparte miniature.
L’incidence secondaire du mouvement de novembre sur
le rapport de force social direct entre salariat et capital n’en fait
pas moins un mouvement politique fort, caisse de résonance d’une
jeunesse traitée en semi-colonie interne à la France, à l’image des
signes avant-coureurs de l’ascension ouvrière et populaire
internationale de 68-81. C’est l’abîme entretenu actuellement entre
jeunes et classe ouvrière du fait notamment de la politique
isolationniste et criminelle des grandes organisations syndicales qui a
permis au gouvernement d’opérer son virage bonapartiste, en décrétant
l’état d’urgence qui frappe aujourd’hui les quartiers, pour mieux être
utilisé demain contre les travailleurs en lutte. Ces mêmes directions ne
font d’ailleurs rien pour combattre les mesures d’exception. Les jeunes
émeutiers du mouvement de novembre sont les fils de la classe ouvrière
industrielle traditionnelle, les frères et les enfants du nouveau
prolétariat, précaire et flexibilisé, qui est entré en lutte au cours
des derniers mois, de manière d’autant plus radicalisées que c’était là
ses premières expériences : salariés de la restauration rapide –Mc
Donalds, Pizza Hut –, de la grande distribution – Carrefour, H&M,
Virgin –, du nettoyage – Accor –, des services externalisés – bagagistes
de Roissy –, des centres d’appel mais également l’armée d’intérimaires
serviables et corvéables à merci en attente de licenciement sec, ceux
qui ont été à l’origine du grand mouvement au printemps dernier des
travailleurs de Citroën Aulnay.
Toutes proportions gardées, à l’image des années
Trente, « de façon générale, les travailleurs étrangers en France
constitueront un facteur d’une importance immense dans le développement
du pays, bien plus important encore que les Noirs en Amérique avec
lesquels ils partagent leur situation de parias. Conformément à toute la
tradition du pays, les organisations purement françaises sont
numériquement peu importantes et leur base est constituée d’une sorte
d’aristocratie politique et syndicale de la classe ouvrière. L’immense
majorité reste inorganisée et guère accessible à l’activité
traditionnelle des organisations politiques et syndicales. C’est en
France la question centrale. Il me semble que, précisément, le rôle joué
aujourd’hui par les travailleurs étrangers dans la vie économique de la
France est de nature à faire chanceler le fort conservatisme de ce
pays. Les travailleurs étrangers, constituant dans leur grande majorité
les couches inférieures du prolétariat du pays, entrent en contact, en
relation et en communauté d’intérêt avec les couches profondes de la
classe ouvrière du pays, celles qui sont précisément les plus éloignées
des organisations officielles. D’autre part, les travailleurs étrangers,
justement du fait qu’ils sont des étrangers, des émigrés, sont
intellectuellement plus mobiles et plus réceptifs aux idées
révolutionnaires. De la sorte, le communisme possède, ou plutôt peut
posséder, avec les ouvriers étrangers, un puissant instrument permettant
de souder les couches les plus profondes de la classe ouvrière et leur
degré de fécondation révolutionnaire [50] ».
Lorsque Trotsky écrivait ces quelques lignes, il parlait de « soixante
mille travailleurs [étrangers] pour la seule ville de Paris [51] ». Que penser alors de la situation actuelle si l’on essaie d’adopter la même méthode d’analyse ?
Les jeunes de novembre préfigurent une tendance,
celle de la spontanéité et de la radicalité, dont leurs aînés ont été et
seront de manière croissante les protagonistes, représentants
potentiels d’un nouveau mouvement ouvrier plus multiéthnique encore qu’à
l’époque où les OS maghrébins écrivaient sur le portail de leur usine
aux côtés des ouvriers français « usine en grève et occupée » en
français et en arabe, en 1968. La précarité et la flexibilité de cette
nouvelle classe ouvrière la rapproche objectivement davantage de ce qu’a
été le mouvement ouvrier classique du XIX° et de la première moitié du
XX° siècle. La différence majeure n’en est pas moins grande : une
subjectivité ouvrière à reconstruire après plus de vingt années
d’offensive bourgeoise et impérialiste. Mais cette subjectivité se
reconstruira d’autant plus rapidement dans les luttes que l’extrême
gauche trotskyste en France saura être à la hauteur des enjeux, par une
politique résolument antibureaucratique et soviétiste,
d’auto-organisation, tout en étant le porte-drapeau irréconciliable, au
nom de l’internationalisme et de l’anti-impérialisme prolétariens, de la
lutte contre l’islamophobie et du racisme néocolonial insidieux.
Plus que jamais, il est nécessaire de reconstruire
ensemble en France comme en Europe un courant marxiste révolutionnaire
et internationaliste apte à répondre aux défis des temps présents et
défier l’avenir sombre que nous promettent les Villepin/Sarkozy et
Hollande/Mélenchon/Buffet, et les jeunes émeutiers de ces derniers jours
savent ce que veulent dire pour ces gens-là l’ordre républicain… Il
faut tirer avec eux, avec tous les militants combatifs et lutte de
classe, avec les travailleurs combatifs toutes les leçons de la dernière
période et du mouvement de novembre.
Le 06/12/05.
[1] L’article a été rédigé au cours de la révolte des banlieues et a été achevé le 06/12/05.
[2] Il
s’agit d’un taux de chômage moyen égal au double de la moyenne
nationale dans les quelque 940 quartiers classés ZUS (Zone Urbaine
Sensible), à hauteur de 20%, deux fois plus pour les jeunes de 16 à 35
ans,
[3] C’est
notamment dans le Nord de la France où les jeunes émeutiers interpellés
avaient pour la plupart des noms aux consonances flamandes ou
polonaises que les condamnations les plus lourdes sont tombées.
[4] A
un autre niveau, malgré la répression et la surdité du gouvernement, le
mouvement lycéen par sa massivité et sa continuité dans le temps avait
également été un symptôme fort de cette situation. Voir notamment
l’article de la Fraction Trotskyste (France), « Quelles perspectives
après le 15 février », disponible sur notre site web www.ft-europa.org
[5] Voir notamment « France. Politique syndicale et mobilisation de la classe ouvrière » (Lutte de Classe n°91, octobre 2005), en réponse à la tribune de la Fraction, « Front de gauche ou front de lutte » (Lutte de Classe n°90, octobre 2004).
[6] SEUX Dominique, « Edito », in Les Echos, Paris, 03/10/05.
[7] Il
est cependant important de noter que le mouvement de novembre a mis a
mal et entamé durablement au niveau international l’idéologie
chiraquienne d’un pôle impérialiste français et multilatéral,
démocratique et onusien, sous-tendu par l’orientation française et
allemande au cours du conflit iraquien.
[8] En
ce sens, le communiqué de la CGT (« L’urgence, c’est le social et la
démocratie ») du 8 novembre, assez dur à l’égard du gouvernement pour
tenir compte des réactions de sa base, ne proposait strictement rien de
concret en termes d’échéance et d’objectifs précis et immédiats à
défendre dans la rue. Son absence dans le cortège parisien du 16
novembre –bien que la confédération figure parmi les signataires-,
témoigne bien que la direction n’entendait pas que la déclaration du 8
soient suivie de faits.
[9] Alors
que les manifestants se trouvaient à deux pas du Tribunal de Bobigny où
les jeunes de banlieues interpellés étaient en train de passer en
jugement expéditif, ni les bureaucrates syndicaux ni l’extrême gauche
présente n’a suggéré à aucun moment de se déplacer de quelques mètres
pour exprimer concrètement la solidarité du mouvement ouvrier contre la
répression policière et l’état d’urgence.
[10] Voir à ce sujet « Discrimination positive et discrimination raciste, la double politique du gouvernement Raffarin », in Stratégie Internationale n°3, Paris, été 2004.
[11] Dans
le monde arabo-musulman, fruit de l’échec de la Révolution
anticoloniale, des trahisons des directions nationaliste-bourgeoises et
leurs alliés staliniens au cours des années 1960 et 1970 et l’incapacité
des révolutionnaires à proposer une alternative révolutionnaire
nationale et sociale, l’Islam politique, naissant sur le terreau du
chômage et de la pauvreté, est devenu au cours des années 1980 et 1990
la première force d’opposition aux régimes corrompus, qu’ils soient
laïcs ou non, de la Mauritanie au Sud de la Thaïlande, en passant par le
Machrek, Proche et Moyen Orient el le Caucase.
Dans les métropoles impérialistes, chez beaucoup de jeunes des
couches populaires issus de l’immigration arabo-musulmane, de manière
similaire, l’Islam politique prend pied de manière préoccupante. Sans
perspective de mouvement d’ensemble de la classe à laquelle ils
appartiennent objectivement, laissés pour compte des syndicats et de la
gauche classique, chauvine et pro-impérialiste, ces jeunes retrouvent
dans la « communauté » fictive des croyants, liant prolétaires,
petits-bourgeois et grands bourgeois, un instrument de construction
d’une identité que la lutte de classe ne leur offre pas ou plus.
Le seul moyen de gagner ces jeunes prolétaires à une alternative
authentiquement révolutionnaire est de lever un programme clairement
anti-impérialiste, antisioniste, mais également à la pointe de la lutte
contre le racisme, les discriminations sociales dans leur ensemble, tant
le patronat raciste et son Etat et ses instruments d’oppression,
notamment la police. C’est la seule et unique garantie pour que
refleurissent sur les grilles des usines et des entreprises, un jour,
« Usine en grève et occupée » en français et en arabe, la seule garantie
contre le poids croissant que jouent les directions de l’Islam
politique dans les cités ouvrières et populaires, distillant à leur
manière le machisme et l’idéologie patriarcale, les préjugés de race et
l’antisémitisme que la société de classe bourgeoise génère et diffuse à
grande échelle et instrumentalise massivement lorsque cela lui sert.
[12] FRESSOZ Françoise, « Edito », in Les Echos, Paris, 08/11/05.
[13] Déclaration de Laurence Parisot, présidente du Medef, suivie par la CGPME, citée dans Les Echos, Paris, 08/11/05.
[14] Au-delà
de l’attitude de certains maires PS prenant leur distance quant à
l’applicabilité du couvre-feu sur leurs communes, il est intéressant de
souligner ici l’orientation réactionnaire et pro-gouvernementale qu’ont
adopté les grands ténors du PS à la suite du décret de l’état d’urgence.
Hollande n’a pas hésité à affirmer le 8 novembre qu’il n’entendait
« rien faire qui puisse empêcher le gouvernement de retrouver les
conditions d’un retour à l’ordre républicain » (Le Parisien, Paris,
09/11/05), alors que Fabius lui faisait écho le jour même en affirmant
« je ne reprocherai jamais à tel ou tel gouvernement de faire preuve de
fermeté, encore faut-il qu’il soit efficace » (déclaration sur RTL,
reprise dans Le Monde, Paris, 10/11/05). La palme de la matraque
revient bien entendu au maire d’Evry, Manuel Valls, qui est allé jusqu’à
voter pour la prorogation de l’état d’urgence, ce que ses collègues
n’avaient pas osé faire…
[15] PIQUET Christian, « A droite, surenchères », in Rouge n°2135, 24/11/05.
[16] Sondage BVA/Les Echos/etc. publié dans Les Echos, Paris, 05/10/05.
[17] Sondage BVA/Les Echos/etc. publié dans Les Echos, Paris, 04-05/11/05.
[18] « A
l’Assemblée, souligne l’Humanité sans fard, le PCF porte la voix des
banlieues (…). Si tous [les députés] s’accordent sur la nécessité de
‘rétablir l’ordre républicain’, François Asensi [député PCF de
Seine-Saint-Denis] a fustigé un état d’urgence ‘attentatoire aux
libertés’ » (L’Humanité, Paris, 09/11/05). Pour Asensi, il faut
« rétablir l’ordre républicain, mais ce serait ‘illusoire sans parler de
liberté, égalité et fraternité’ » (Id.).
[19] Déclaration du PCF du 08/11/05, publié dans « Communistes », in L’Humanité, Paris, 09/11/05.L’Humanité
a beau jeu de souligner qu’en 1955, le quotidien évoquait alors une loi
« scélérate » et « fasciste » (voir DEGOY Lucien, « La loi de 1955, un
texte d’exception antidémocratique », in L’Humanité, Paris,
09/11/05). C’est oublier à bon compte et bien vite qu’en 1956, cela n’a
pas empêché le PCF de voter les pleins pouvoirs à Mollet lui laissant
les mains libres pour déchaîner avec plus de violence encore la
répression contre les nationalistes et le peuple algériens… Scélérat le
PC ? Amnésique en tout cas…
[21] Déclaration
du MJCF, publié sur tract distribué à Paris le 12/11/05 « Stop à toutes
les violences s’insurge le texte. Celles des casseurs, celles du
ministre de l’Intérieur, celles du Medef. Des voitures, des gymnases,
des bus, des quartiers s’enflamment depuis quelques jours. Des personnes
sont agressées physiquement [le MJCF accorde comme TF1 beaucoup
d’attention aux deux cas d’agressions contre des personnes mais fait peu
cas des violences policières généralisées…]. C’est inacceptable. (…)
Cette violence touche d’abord les habitants des quartiers eux-mêmes.
C’est une bouffée de désespoir qui n’amène rien si ce n’est la
destruction et les divisions ».
[22] Déclaration
de Jean-Marie Doussin, secrétaire de la fédération communiste de la
Seine-Saint-Denis,publiée dans « Communistes », in L’Humanité, Paris, 09/11/05. supplément
[23] MARCHAIS Georges, « De faux révolutionnaires à démasquer », in L’Humanité, Paris, 03/06/1968, cité par KRAVETZ Marc (sous la direction de), L’insurrection étudiante, UGE, Paris, 1968, p.58.
[24] BOUVARD Georges, L’Humanité, Paris, 04/06/1968, cité par KRAVETZ Marc, id., p.77-78.
[25] C’est là la position du « rénovateur » Patrick Braouezec, président de Plaine Commune, regroupant huit communes du 93.
[26] Effectivement,
la fin de l’année 2005 a vu naître les Contrats Urbain de Cohésion
Sociale, nouveau lifting de cette longue mascarade qu’est la « politique
de la ville » (n.d.e.)
[27] « Des
voyous, il y en a toujours eu, pourquoi trouvent-ils aujourd’hui le
soutien d’une bonne partie des jeunes ? », voir « La violence dans les
quartiers populaires et ses responsables », « Editorial » des Bulletins d’entreprise du 01/11/05, in Lutte Ouvrière n°1944, 04/11/05. LO réitère Lutte de Classe,
en soulignant que « la violence aveugle n’est en rien un signe de
radicalisation. C’est le signe d’une désorientation profonde, la marque
de l’inconscience » (« France. L’explosion dans les quartiers
populaires : les responsables de la violence aveugle », in Lutte de Classe n°92, novembre 2005, p.5).
[28] « La violence dans les quartiers populaires et ses responsables », « Editorial » des Bulletins d’entreprise du 01/11/05, in Lutte Ouvrière
n°1944, 04/11/05. Dans l’article de Lutte de Classe que nous citons
précédemment, LO souligne à nouveau de manière très ambiguë que « les
quelques propositions de la gauche qui se veulent positives, du genre
revenir à la police de proximité ou multiplier les éducateurs et les
animateurs sociaux dans les quartiers, ne résolvent pas les problèmes
qui sont à l’origine de l’explosion actuelle ».
[29] « La violence dans les quartiers populaires et ses responsables », « Editorial » des Bulletins d’entreprise du 01/11/05, in Lutte Ouvrière n°1944, 04/11/05.
[30] Sur
ce plan là, l’analyse de LO laisse particulièrement à désirer, niant au
nom d’un purisme ouvrièriste dogmatique le racisme dont ces jeunes
souffrent, à tous les moments de leur vie quotidienne. « C’est bien de
cette "non-intégration"-là, [la pauvreté] nouveau nom pour la misère et
la haine de classe, qu’il est question aujourd’hui. La couleur de peau,
le poids supposé des différentes religions, les préjugés de toute nature
ne font, pour l’instant, que se surajouter au problème social. Ils n’en
sont pas la cause principale » (GALOIS Paul, « Le rejet des pauvres »,
in Lutte Ouvrière n°1945, 11/11/05). La LCR qui sur ce point est
plus sensible aux problèmes des racismes et des discriminations –ce qui
ne veut pas dire que les conclusions politiques qu’elle en tire soient
plus justes, toujours à l’affût d’alliances stratégiques polyclassistes
ou avec les réformistes- affirme de même que « les discriminations
subies par les populations de ces quartiers (…) en raison de leur
origine ou de leur lieu d’habitation renforcent le sentiment d’injustice
et d’une exclusion bien réelle » (LECLERC Anne, « Logique de guerre »,
in Rouge n°2133, 10/11/05). Soyons honnête, origine et habitation
se recoupent généralement dans ces quartiers et la discrimination
commence non pas à partir du moment où ces salarié-e-s, hommes, femmes
ou jeunes issus de l’immigration déclinent leur identité. Elle leur est
renvoyée immédiatement en raison de leurs traits physiques ou la couleur
de leur peau. Pas besoin de savoir que Mohamed s’appelle Mohamed, même
s’il ses parents sont français, pour qu’innocemment la première question
qui viennent y compris à l’esprit d’un anti-raciste politiquement
correct votant à gauche et possédant un tapis ethnique soit « et t’es de
quelle origine ? ».
[31] BARCIA Robert (Hardy), La véritable histoire de Lutte Ouvrière, Editions Denoël, Paris, 2003, p.212-213.
[32] « La violence hors de l’Histoire », in Lutte de Classe n°15 (nouvelle série), mais 1968, p.4.
[34] « La violence dans les quartiers populaires et ses responsables », « Editorial » des Bulletins d’entreprise du 01/11/05, in Lutte Ouvrière n°1944, 04/11/05.
[35] « L’espoir n’est ni dans la violence stérile ni dans la résignation », « Editorial » des Bulletins d’entreprise du 08/11/05, in Lutte Ouvrière n°1945, 11/04/05.
[36] Discours d’Arlette Laguiller au Gymnase Japy, Paris, reproduit in Lutte Ouvrière n°1945, 11/04/05.
[37] Et
cela même si LO n’a pas manqué de souligner de manière glissante au
cours des événements que « l’Etat abandonne ce qui, dans ses fonctions,
correspond un tant soit peu à l’intérêt de l’ensemble de la société »
(voir « France. L’explosion dans les quartiers populaires : les
responsables de la violence aveugle », in Lutte de Classe n°92,
novembre 2005, p.3), qui ne fait que reprendre les « positions
propagandistes » de certains de ses écrits, notamment le fait d’affirmer
vouloir « changer le rôle de l’Etat et le contrôler », sans parler de
sa destruction et le remplacer par un Etat ouvrier (voir « Qu’est-ce que
Lutte Ouvrière », supplément au n°1665 de LO, juin 2000, p.15).
[38] « En
ouvrant le capital d’EDF, le gouvernement livre cette entreprise aux
groupes industriels et financiers et permet à leurs actionnaires de
faire du profit privé sur la production et la distribution de
l’électricité, produit de première nécessité qui, comme la distribution
de l’eau, devrait être un service public ». Déclaration de LO appelant à
participer aux grèves,aux manifestations et au meeting à Paris, gymnase
Japy du 03/11/05. Voilà qui ferait rire jaune les populations pauvres
des banlieues et des quartiers ouvriers français et les peuples des pays
semi-coloniaux où à coup de rachat au rabais de secteurs privatisés
depuis les années 1990, EDF pille, saccage et fait payer au prix le plus
haut aux travailleurs et aux populations la politique néo-libérale des
gouvernements de ces pays-là. LO participe au mythe de l’opposition
entre une bonne entreprise aux mains de l’Etat (ce qui n’en fait pas
moins une multinationale impérialiste) et une entreprise contrôlée par
de méchants patrons privés. EDF doit restée une entreprise publique
certes, et nous devons lutter tous ensemble et jusqu’au bout contre sa
privatisation partielle, pour ce faire, nous devons lutter pour qu’elle
soit une entreprise publique sous le contrôle des travailleurs et des
usagers.
[39] LAFONT Viviane, « Banlieues, Villepin et ses ‘réponses’ éducatives », in Lutte Ouvrière n°1945, 11/11/05.
[41] « France. L’explosion dans les quartiers populaires : les responsables de la violence aveugle », in Lutte de Classe n°92, novembre 2005, p.4.
[42] GARGAN Sophie, « Banlieues, trente ans de mépris leur sautent à la figure », Lutte Ouvrière n°1945, 11/11/05.
[43] SOUDAN François, « Les raison de la colère », Jeune Afrique/L’intelligent n°2340, Paris, 13-19/11/05, p.21.
[44] MEZZI Dominique, « Services publics. Une manifestation réussie », in Rouge n°2135, 24/11/05.
[45] Pendant
ce temps, la LCR tresse les lauriers « d’un autre type de syndicalisme
[qui] prouve son efficacité [?] pour l’avenir » avec la CGT, la FSU et
Solidaires… Voir« Services publics. Une manifestation réussie », in Rouge n°2135, 24/11/05.
[46] Voir la déclaration de la JCR, « Dehors Sarkozy et son gouvernement ! Pas de flics dans les quartiers ! ».
[47] DUFFLEAUX Raphaël, « Etapes d’une mobilisation », in Rouge n°3134, 17/11/05.
[49] BESANCENOT Olivier, « Ensemble contre l’état d’urgence », Rouge n°2133, 10/11/05.
[50] TROTSKY Léon, « Les travailleurs étrangers en France », 02/05/1930, reproduit dans Les Cahiers du Mouvement Ouvrier n°28, Paris, novembre 2005, p.63-64.