Las ! Tu débrayes
Derrière la pierre des remparts
Brasillant sur cette rivière de la ville...
Ton hasard mis à part -
Ta lumière d'avril
Étaye mon art
Jusqu'à ce qu'il s'embraye
A la veille
Le ciel s'obscurcit
Et je cours vers cette fin
Où ton curseur défunt
Dans ce gris
Marquant mon parcours
Où ton bref séjour
A tout pris
En la nef en plein cœur
Au pli du jour dans mon "discours"
Le Vif/L'Express : Comment décide-t-on, comme vous, de consacrer sa vie aux langues ? Claude Hagège : Je
l'ignore. Je suis né et j'ai grandi à Tunis, une ville polyglotte. Mais
je ne crois pas que ce soit là une explication suffisante : mes frères,
eux, n'ont pas du tout emprunté cette voie.
Enfant, quelles langues avez-vous apprises ?
A
la maison, nous utilisions le français. Mais mes parents m'ont fait
suivre une partie de ma scolarité en arabe - ce qui montre leur
ouverture d'esprit, car l'arabe était alors considéré comme une langue
de colonisés. J'ai également appris l'hébreu sous ses deux formes,
biblique et israélienne. Et je connaissais l'italien, qu'employaient
notamment plusieurs de mes maîtres de musique.
Combien de langues parlez-vous ?
S'il
s'agit de dénombrer les idiomes dont je connais les règles, je puis en
mentionner plusieurs centaines, comme la plupart de mes confrères
linguistes. S'il s'agit de recenser ceux dans lesquels je sais
m'exprimer aisément, la réponse sera plus proche de 10.
Beaucoup
de Français pensent que la langue française compte parmi les plus
difficiles, et, pour cette raison, qu'elle serait "supérieure" aux
autres. Est-ce vraiment le cas ?
Pas du tout. En premier lieu, il
n'existe pas de langue "supérieure". En France, le français ne s'est
pas imposé au détriment du breton ou du gascon en raison de ses
supposées qualités linguistiques, mais parce qu'il s'agissait de la
langue du roi, puis de celle de la République. C'est toujours comme
cela, d'ailleurs : un parler ne se développe jamais en raison de la
richesse de son vocabulaire ou de la complexité de sa grammaire, mais
parce que l'Etat qui l'utilise est puissant militairement - ce fut,
entre autres choses, la colonisation - ou économiquement - c'est la
"mondialisation". En second lieu, le français est un idiome moins
difficile que le russe, l'arabe, le géorgien, le peul ou, surtout,
l'anglais.
L'anglais ? Mais tout le monde, ou presque, l'utilise !
Beaucoup
parlent un anglais d'aéroport, ce qui est très différent ! Mais
l'anglais des autochtones reste un idiome redoutable. Son orthographe,
notamment, est terriblement ardue : songez que ce qui s'écrit "ou" se
prononce, par exemple, de cinq manières différentes dans through, rough,
bough, four et tour ! De plus, il s'agit d'une langue imprécise, qui
rend d'autant moins acceptable sa prétention à l'universalité.
Imprécise ?
Parfaitement.
Prenez la sécurité aérienne. Le 29 décembre 1972, un avion s'est écrasé
en Floride. La tour de contrôle avait ordonné : "Turn left, right now",
c'est-à-dire "Tournez à gauche, immédiatement !" Mais le pilote avait
traduit "right now" par "à droite maintenant", ce qui a provoqué la
catastrophe. Voyez la diplomatie, avec la version anglaise de la fameuse
résolution 242 de l'ONU de 1967, qui recommande le "withdrawal of
Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict".
Les pays arabes estiment qu'Israël doit se retirer "des" territoires
occupés - sous-entendu : de tous. Tandis qu'Israël considère qu'il lui
suffit de se retirer "de" territoires occupés, c'est-à-dire d'une partie
d'entre eux seulement.
Est-ce une raison pour partir si violemment en guerre contre l'anglais ?
Je
ne pars pas en guerre contre l'anglais. Je pars en guerre contre ceux
qui prétendent faire de l'anglais une langue universelle, car cette
domination risque d'entraîner la disparition d'autres idiomes. Je
combattrais avec autant d' énergie le japonais, le chinois ou encore le
français s'ils avaient la même ambition. Il se trouve que c'est
aujourd'hui l'anglais qui menace les autres, puisque jamais, dans
l'Histoire, une langue n'a été en usage dans une telle proportion sur
les cinq continents.
En quoi est-ce gênant ? La rencontre des cultures n'est-elle pas toujours enrichissante ?
La
rencontre des cultures, oui. Le problème est que la plupart des gens
qui affirment "Il faut apprendre des langues étrangères" n'en apprennent
qu'une : l'anglais. Ce qui fait peser une menace pour l'humanité tout
entière.
A ce point ?
Seuls les gens mal informés pensent
qu'une langue sert seulement à communiquer. Une langue constitue aussi
une manière de penser, une façon de voir le monde, une culture. En
hindi, par exemple, on utilise le même mot pour "hier" et "demain". Cela
nous étonne, mais cette population distingue entre ce qui est -
aujourd'hui - et ce qui n'est pas : hier et demain, selon cette
conception, appartiennent à la même catégorie. Tout idiome qui disparaît
représente une perte inestimable, au même titre qu'un monument ou une
oeuvre d'art.
Avec 27 pays dans l'Union européenne, n'est-il pas
bien utile d'avoir l'anglais pour converser ? Nous dépensons des
fortunes en traduction !
Cette idée est stupide ! La richesse de
l'Europe réside précisément dans sa diversité. Comme le dit l'écrivain
Umberto Eco, "la langue de l'Europe, c'est la traduction". Car la
traduction - qui coûte moins cher qu'on ne le prétend - met en relief
les différences entre les cultures, les exalte, permet de comprendre la
richesse de l'autre.
Mais une langue commune est bien pratique quand on voyage. Et cela ne conduit en rien à éliminer les autres !
Détrompez-vous.
Toute l'Histoire le montre : les idiomes des Etats dominants conduisent
souvent à la disparition de ceux des Etats dominés. Le grec a englouti
le phrygien. Le latin a tué l'ibère et le gaulois. A l'heure actuelle,
25 langues disparaissent chaque année ! Comprenez bien une chose : je ne
me bats pas contre l'anglais ; je me bats pour la diversité. Un
proverbe arménien résume merveilleusement ma pensée : "Autant tu connais
de langues, autant de fois tu es un homme."
Vous allez plus loin, en affirmant qu'une langue unique aboutirait à une "pensée unique"...
Ce
point est fondamental. Il faut bien comprendre que la langue structure
la pensée d'un individu. Certains croient qu'on peut promouvoir une
pensée française en anglais : ils ont tort. Imposer sa langue, c'est
aussi imposer sa manière de penser. Comme l'explique le grand
mathématicien Laurent Lafforgue : ce n'est pas parce que l'école de
mathématiques française est influente qu'elle peut encore publier en
français ; c'est parce qu'elle publie en français qu'elle est puissante,
car cela la conduit à emprunter des chemins de réflexion différents.
Vous estimez aussi que l'anglais est porteur d'une certaine idéologie néolibérale...
Oui. Et celle-ci menace de détruire nos cultures dans la mesure où elle est axée essentiellement sur le profit.
Je ne vous suis pas...
Prenez
le débat sur l'exception culturelle. Les Américains ont voulu imposer
l'idée selon laquelle un livre ou un film devaient être considérés comme
n'importe quel objet commercial. Car eux ont compris qu'à côté de
l'armée, de la diplomatie et du commerce il existe aussi une guerre
culturelle. Un combat qu'ils entendent gagner à la fois pour des raisons
nobles - les Etats-Unis ont toujours estimé que leurs valeurs sont
universelles - et moins nobles : le formatage des esprits est le
meilleur moyen d'écouler les produits américains. Songez que le cinéma
représente leur poste d'exportation le plus important, bien avant les
armes, l'aéronautique ou l'informatique ! D'où leur volonté d'imposer
l'anglais comme langue mondiale. Même si l'on note depuis deux décennies
un certain recul de leur influence.
Pour quelles raisons ?
D'abord,
parce que les Américains ont connu une série d'échecs, en Irak et en
Afghanistan, qui leur a fait prendre conscience que certaines guerres se
perdaient aussi faute de compréhension des autres cultures. Ensuite,
parce qu'Internet favorise la diversité : dans les dix dernières années,
les langues qui ont connu la croissance la plus rapide sur la Toile
sont l'arabe, le chinois, le portugais, l'espagnol et le français.
Enfin, parce que les peuples se montrent attachés à leurs idiomes
maternels et se révoltent peu à peu contre cette politique.
Pas
en France, à vous lire... Vous vous en prenez même de manière violente
aux "élites vassalisées" qui mèneraient un travail de sape contre le
français.
Je maintiens. C'est d'ailleurs un invariant de
l'Histoire. Le gaulois a disparu parce que les élites gauloises se sont
empressées d'envoyer leurs enfants à l'école romaine. Tout comme les
élites provinciales, plus tard, ont appris à leur progéniture le
français au détriment des langues régionales. Les classes dominantes
sont souvent les premières à adopter le parler de l'envahisseur. Elles
font de même aujourd'hui avec l'anglais.
Comment l'expliquez-vous ?
En
adoptant la langue de l'ennemi, elles espèrent en tirer parti sur le
plan matériel, ou s'assimiler à lui pour bénéficier symboliquement de
son prestige. La situation devient grave quand certains se convainquent
de l'infériorité de leur propre culture. Or nous en sommes là. Dans
certains milieux sensibles à la mode - la publicité, notamment, mais
aussi, pardonnez-moi de vous le dire, le journalisme - on recourt aux
anglicismes sans aucune raison. Pourquoi dire "planning" au lieu
d'"emploi du temps" ? "Coach" au lieu d'"entraîneur" ? "Lifestyle" au
lieu de "mode de vie" ? "Challenge" au lieu de "défi" ?
Pour se distinguer du peuple ?
Sans
doute. Mais ceux qui s'adonnent à ces petits jeux se donnent l'illusion
d'être modernes, alors qu'ils ne sont qu'américanisés. Et l'on en
arrive à ce paradoxe : ce sont souvent les immigrés qui se disent les
plus fiers de la culture française ! Il est vrai qu'eux se sont battus
pour l'acquérir : ils en mesurent apparemment mieux la valeur que ceux
qui se sont contentés d'en hériter.
Mais que dites-vous aux
parents qui pensent bien faire en envoyant leurs enfants suivre un
séjour linguistique en Angleterre ou aux Etats-Unis ?
Je leur
réponds : "Pourquoi pas la Russie ou l'Allemagne ? Ce sont des marchés
porteurs et beaucoup moins concurrentiels, où vos enfants trouveront
plus facilement de l'emploi."
Si une seule mesure était à prendre, quelle serait-elle ?
Tout
commence à l'école primaire, où il faut enseigner non pas une, mais
deux langues vivantes. Car, si on n'en propose qu'une, tout le monde se
ruera sur l'anglais et nous aggraverons le problème. En offrir deux,
c'est s'ouvrir à la diversité.
Le français pourrait-il être le porte-étendard de la diversité culturelle dans le monde ?
J'en
suis persuadé, car il dispose de tous les atouts d'une grande langue
internationale. Par sa diffusion sur les cinq continents, par le
prestige de sa culture, par son statut de langue officielle à l'ONU, à
la Commission européenne ou aux Jeux olympiques. Et aussi par la voix
singulière de la France. Songez qu'après le discours de M. de Villepin à
l'ONU, s'opposant à la guerre en Irak, on a assisté à un afflux
d'inscriptions dans les Alliances françaises. (1) Contre la pensée unique, par Claude Hagège.
Odile Jacob, 250 p. PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL FELTIN-PALAS Claude Hagège en 5 dates 1955 Entrée à l'Ecole normale supérieure de Paris. 1966 Première enquête linguistique de terrain, au Cameroun. Depuis 1988 Professeur au Collège de France. 2009 Dictionnaire amoureux des langues (Plon). 2012 Contre la pensée unique (Odile Jacob)
L’amertume cache son fruit quand je cache mes ombrages dans l’ocre de mon féminin j’abrite la chair des adieux dans mon essaim de pluie et ma nudité est ici dans une leçon de nostalgie allez dire au contraire du miroir de me rendre mon bracelet de sel qu’il envoûte ma solitude j’y ferai germer les intimités lointaines l’oubli se détachant d’un nuage la virginité du pain pourquoi le vent écrit dans le giron des blés le cri le plus absent mon corps au sang maternel est un pays d’enterrement ni mes nuits ni mes jours ne savent rien seules les pierres sont des poétesses ma voix est un passage mutilé un grain de sable dans un livre fermé.
Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor :
Hakima Mahdi fait partie de ces poètes qui écrivent peu mais bien et
elle cultive les muses, à ce qu’il paraît, pour le plaisir, car des
mois passent sans que je lui trouve dans son espace sur facebook un
nouveau poème, à part quelques haïkus et mimi-textes épars dont aucun ne
peut faire l’objet d’un commentaire consistant conforme aux critères
que nous avions établis pour cette rubrique. Et c’est tout à fait par
hasard qu’en fouinant dans son compte à la recherche de l’un de ses
éventuels nouveaux écrits, je suis tombé sur ce poème apparemment
autobiographique qui mérite, à mon avis, d’être lu et traduit pour nos
amis arabophones et dans lequel se trouve peut-être l’explication de
ses fréquentes absences sur facebook. En effet, à bien regarder le
tableau désolant qu’elle brosse de son état d’âme et la vison sombre
qu’elle porte sur le monde , l’impression générale qui s’en dégage est
qu’elle aurait subi un violent choc émotionnel qui lui avait fait perdre
tout goût à la vie. Ce qui s’est répercuté sur le niveau stylistique du
texte sous deux aspects principaux : une forte densité du lexique de
l’abattement et de la déprime (amertume – adieux – nostalgie – solitude-
enterrement – mutilé- fermé…) et un flot d’images reprenant la même
signification sous des formes très diversifiées (ma nudité est ici dans une leçon de nostalgie – le vent écrit dans le giron des blés le cri le plus absent – mon corps au sang maternel est un pays d’enterrement – mavoix est un passage mutilé un grain de sable dans un livre fermé…).
Une troisième particularité stylistique aussi saillante dans ce texte
est le caractère très abstrait de ces mêmes images qui serait né d’un
désir de la poétesse de dire l’indicible devant le désordre des idées
qui lui traversent l’esprit et le brouillage des pistes de son
imaginaire. Mais ce ne sont là que des interprétations qui ne peuvent,
en aucun cas, remplacer la vérité que seuls Dieu et l’auteure
connaissent et qu’elle n’est nullement obligée de divulguer. La seule
chose qui nous importe ici est la valeur esthétique de ce poème qui ne
fait l’ombre d’aucun doute. Un bon poème Hakima et à la prochaine!
MASHARIF.COM
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Le poème ( "AUX GRAINS DE MAI" apparaît parmi d'autres poèmes de moi-même... Cliquer sur le chiffre 1 collé à droite du poème ... Puis cliquer sur la flèche gauche de la barre horizontale d'écoute ( située en bas de page)... Bonne écoute si vous le voulez bien...
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Bonne écoute si vous le voulez bien !
"Je suis l’être incliné qui jette ce qu’il pense ;
Qui demande à la nuit le secret du silence ;
Dont la brume emplit l’œil ;
Dans une ombre sans fond mes paroles descendent,
Et les choses sur qui tombent mes strophes rendent
Le son creux du cercueil.
Mon esprit, qui du doute a senti la piqûre,
Habite, âpre songeur, la rêverie obscure
Aux flots plombés et bleus,
Lac hideux où l’horreur tord ses bras, pâle nymphe,
Et qui fait boire une eau morte comme la lymphe
Aux rochers scrofuleux.
Le doute, fils bâtard de l’aïeule sagesse,
Crie : — À quoi bon ? — devant l’éternelle largesse,
Nous fait tout oublier,
S’offre à nous, morne abri, dans nos marches sans nombre,
Nous dit : — Es-tu las ? Viens ! — et l’homme dort à l’ombre
De ce mancenillier.
L’effet pleure et sans cesse interroge la cause.
La création semble attendre quelque chose.
L’homme à l’homme est obscur.
Où donc commence l’âme ? où donc finit la vie ?
Nous voudrions, c’est là notre incurable envie,
Voir par-dessus le mur.
Nous rampons, oiseaux pris sous le filet de l’être ;
Libres et prisonniers, l’immuable pénètre
Toutes nos volontés ;
Captifs sous le réseau des choses nécessaires,
Nous sentons se lier des fils à nos misères
Dans les immensités (...)"
(Pleurs dans la nuit - Au bord de l'infini - Les Contemplations - Victor Hugo)
Et
si les pierres étaient vivantes, et si elles renfermaient l'âme des
criminels de l'histoire ? Dans ce texte qui est l'un des poèmes
monuments des Contemplations, Victor Hugo s'interroge, bien avant Sartre
et son Huis-Clos, sur ce qu'est peut-être l'enfer pour les grands
criminels de l'Histoire. Je vous invite à prendre le temps de l'écouter.
C'est une plongée au cœur de l'âme et de l'esprit...