dimanche 18 octobre 2020

LETTTRE POUR TOUS

 Lettre pour tous,

Nous qui écrivons cette lettre sommes des jeunes étrangers venus vivre en
France et des plus anciens qui vivent là depuis toujours ; depuis plusieurs
années nous travaillons ensemble pour apprendre le français, nous avons
construit une confiance entre nous et nous nous réunissons quand il y a des
difficultés de la vie pour les uns ou les autres.

1- Depuis le 25 septembre, à la télévision, dans des journaux et sur le net, des hommes
politiques s’attaquent à ceux que le gouvernement appelle les « mineurs non
accompagnés »  (MNA) Ils les traitent de « délinquants », de «  menteurs », de graines de
terroristes.
Ces injures et ces mots de haine ciblent les enfants étrangers venus ici seuls  comme des
gens dangereux, et appellent à la méfiance et à la suspicion à leur égard. Quand bien même ce
sont des propos extrémistes, on ne peut pas laisser passer de tels mensonges!
2- Que s’est-il passé ?
A Paris, le 25 septembre, un jeune pakistanais s’est attaqué très violemment avec un hachoir à
deux personnes qui fumaient une cigarette rue Nicolas Appert. Il pensait que c’était le local
du journal Charlie Hebdo, le journal des caricatures.
Il est clair que ce geste est criminel, et que le jeune arrêté par la police doit être jugé pour son
acte. On devrait s’arrêter là.
3- Mais ce n’est pas le cas !
Cette campagne d’insultes et de mots violents nous blesse. Elle peut exister parce qu’elle
s’appuie sur la très mauvaise situation faite aux jeunes étrangers qui arrivent ici. De
nombreux départements et administrations, abandonnent ces jeunes mineurs, refusent de les
croire sur leur âge, l’histoire de leur vie ou leurs papiers. Nombreux sont ceux qui ne sont ni
logés ni scolarisés parce qu’ils sont considérés comme étrangers avant d’être mineurs et
protégés par l’Aide Sociale à l’Enfance. (Depuis la circulaire Taubira de 2013),
4- Le jeune pakistanais qui a commis l’agression avait eu le statut de « mineur non
accompagné » mais il aurait reconnu avoir menti sur son âge et sur sa nationalité. Il doit être
jugé aussi sur cela. Mais bien d’autres gens mentent, et cela n’aboutit pas à une campagne
orchestrée contre tout un ensemble de personnes.
On sait que c’est très compliqué quand on se retrouve dehors des foyers , souvent laissé sans
rien, mais comme le dit l’un de nous «  Ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi.
Le jeune a perdu la tête, ou peut être qu’il avait ça déjà dans un coin de sa tête et il a basculé.
« Mais il y a beaucoup de jeunes qui se retrouvent sans rien et qui ne font pas n’importe
quoi ! ».
5- Que dire sur les caricatures du journal : tout le monde peut avoir la religion qu’il veut, ou
pas de religion, c’est important On croit ou on ne croit pas, le principal c’est le respect. Le
plus important c’est d’être attentif à ne pas faire des choses qui développent la haine. On peut
plaisanter avec ses amis, mais se moquer des gens ou de leur religion publiquement ce n’est
pas pareil, cela peut blesser et faire mal .Il faut faire attention. Notre idée c’est que la priorité
est de penser à ne pas provoquer de la guerre entre les gens.

6- C’est pour aller à l’école et pour apprendre un métier que les jeunes sont venus seuls
d’Afrique. «  Si tu veux gagner ta vie, tu dois apprendre », dit l’un. « Un jeune est venu pour
sauver sa vie », « Je me sens mieux ici parce qu’en Afrique, ce n’est pas facile avec la guerre
et tout ça » dit un autre. La plupart de ces jeunes sont élèves au collège ou au lycée, et
apprentis dans les métiers de la cuisine et du bâtiment. Elèves, apprentis ou étudiants, voilà ce
qu’ils sont et c’est ainsi qu’il est légitime de les considérer et de les respecter.
Ce dont on a besoin, les jeunes étrangers et les personnes qui ont décidé d’êtres à leur côté,
c’est de chercher ensemble des idées et des propositions qui travaillent au respect des gens
que ce soit pour l’accueil et l’hospitalité, ou pour l’apprentissage du français, ou
l’hébergement, C’est important de faire ce travail ensemble, parce qu’on a des expériences
différentes, voire des convictions différentes, et chercher ensemble les moyens de travailler à
la paix entre les gens ce n’est pas facile, mais c’est nécessaire et passionnant !

Lille, le 11 octobre 2020.

Aucun commentaire: